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d’établir leur centre de direction à Paris, comme si l’impulsion pouvait utilement partir de là ?

Si l’état veut provoquer en France le réveil, ou du moins l’extension du commerce extérieur, il le peut par des mesures plus libérales et autrement décisives que celle des subventions ou des primes. Dans notre code de commerce et de marine, bien des articles sont oppressifs, surannés ; dans la police de nos ports, bien des règlemens sont restrictifs, onéreux ; dans les dernières lois de finance, votées par l’assemblée nationale ou la chambre des députés, bien des dispositions sont fâcheuses. C’est là qu’il faut porter la sape ; il importe d’abroger tout cela et de donner au moins à nos ports de mer les mêmes avantages dont jouissent leurs rivaux du dehors.

A l’intérieur que de choses à faire pour diminuer la cherté des transports, que de canaux à creuser, à achever, que d’embranchemens de voies ferrées à créer, à compléter ! On parlait, hier encore, du second, du troisième réseau comme s’ils étaient même finis ; mais le premier est à terminer, les autres presque entièrement à ouvrir. Il faut entreprendre tout cela et consacrer au besoin en une fois aux travaux publics, à l’amélioration de ce que quelques-uns ont appelé notre outillage industriel, plusieurs milliards, si c’est nécessaire. Le département des travaux publics et des finances sont désormais tous deux de cet avis. Cette espèce d’emprunt de la paix serait certainement bien employé. Jamais dette publique n’aurait eu de meilleurs résultats, car c’est en améliorant notre réseau de transports intérieurs que nous ouvrirons de nouveaux débouchés à nos ports, et que nous assurerons à ceux-ci, ainsi qu’il a déjà été dit si souvent, le fret de sortie dont ils manquent. Dans les ports européens plus favorisés que les nôtres, le tonnage utile d’exportation est de 65 pour 100 du tonnage d’entrée ; dans les nôtres, il se tient souvent, comme à Bordeaux, à Nantes, au Havre, au-dessous de 40 pour 100.

Nous avons parlé d’outillage. N’oublions pas que celui de tous nos ports aurait aussi grand besoin d’être perfectionné. Nulle part en France les moyens de circulation, d’entrepôt, de chargement et de déchargement des marchandises, de réparation des navires, ne sont aussi nombreux, aussi commodes, aussi économiques qu’en Angleterre. Nulle part les installations de service, les engins d’exploitation, ne sont aussi achevés et aussi aisément accessibles aux navires et aux colis. En Angleterre, il y a moins de luxe que chez nous, mais l’outillage est plus complet : longueur de quais, docks, voies ferrées, bassins de réparation ou patent slips, appareils élévatoires, et cela dans tous les ports, les plus grands comme les plus petits. Il est vrai que la nature a plus fait pour tous ceux-ci que pour les nôtres, que la plupart des havres britanniques sont des espèces