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cette expression), sur lesquels on compte un jour pour l’expédition, un jour pour la délivrance du colis ; c’est de droit, mais c’est trop, et le commerce réclame aujourd’hui plus de promptitude. Il en résulte que sur certains embranchemens ferrés en France les wagons manquent, les gares sont encombrées, que le roulage marche encore plus vite que la locomotive, et que le transit s’éloigne de nous.

Ce n’est pas seulement par une économie de temps, sinon par une augmentation de vitesse, c’est aussi par une diminution de quelques francs sur le prix du fret par tonne que l’on détourne la marchandise au profit de telle ou telle place. Cela est bien prouvé par l’exemple d’Anvers, de Hambourg, qui viennent, dans tous nos départemens de l’ouest, faire concurrence au port du Havre pour l’importation ou l’exportation de certains produits. Une partie de nos sucres raffinés, de nos cotonnades, de nos toiles, s’exportent de préférence par ces places étrangères, et des bois, des cotons bruts, nous arrivent par elles à meilleur marché que par Le Havre. Pour le raffinage du sucre, Paris est mieux placé que Le Havre, reçoit les sucres de betterave avec moins de frais ; les houillères des départemens du Nord et du Pas-de-Calais, qui expédient leurs charbons à Paris, ne peuvent les envoyer au Havre. Ce port emprunte à l’Angleterre seule les 350,000 tonnes de houille dont il a besoin annuellement, et néanmoins nos houillères du nord sont plus rapprochées du Havre que les houillères anglaises ; mais les voies de transport économiques, les embranchemens de voies ferrées, les canaux surtout font défaut. Il faut parer à tous ces désavantages, et c’est pourquoi l’on doit réclamer non-seulement une seconde ligne ferrée, une ligne riveraine de la Seine rejoignant directement Le Havre à Rouen et Paris, mais aussi des embranchemens transversaux reliant Le Havre à Amiens, à Lille, par le plus court chemin, comme on doit réclamer encore la construction aussi prochaine que possible du canal du Havre à Tancarville.

Quand toutes les voies de communication qui manquent à notre grand port de la Manche pour en assurer les débouchés auront été ouvertes, cela ne suffira point. Il faut que partout les tarifs de transport soient abaissés au minimum, et qu’ici, comme sur tant d’autres lignes ferrées, les tarifs différentiels, ces tarifs où l’on diminue le prix du parcours kilométrique par tonne à mesure que la distance totale augmente, ne soient pas établis de telle sorte qu’ils favorisent les manufactures étrangères au détriment des manufactures nationales. Une tonne de coton transportée du Havre en Alsace ou en Suisse par les chemins de fer français ne doit pas coûter meilleur marché qu’une tonne de coton transportée du même port à nos manufactures de l’est, et c’est cependant ce qui a lieu. Il faut aussi faire en sorte que du port d’Anvers on n’expédie pas cette denrée