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III. — LES BESOINS DU HAVRE. — LE COMMERCE EXTERIEUR DE LA FRANCE.

Le port du Havre, tel que nous l’avons décrit, réclame quelques améliorations. Il faut élargir la passe, agrandir l’avant-port, doter tous les quais de voies ferrées qui permettent la circulation facile et économique des marchandises ; il faut y construire des hangars pour abriter celles-ci, transformer en ponts de fer à mouvemens rapides les ponts de bois installés sur les écluses ; il faut ouvrir une nouvelle cale sèche pour la réparation des grands paquebots ; toutes ces choses sont en projet, et nous en avons déjà dit un mot, mais tout cela ne suffit point. Il faut aussi au chemin de fer une gare plus vaste, plus confortable que celle qui existe, et une véritable gare maritime. La compagnie de l’Ouest ne doit pas oublier que Le Havre est son meilleur client et qu’elle est elle-même le premier entrepreneur de transports, en quelque sorte le premier négociant de la place, puisqu’elle ne voiture pas moins de 1 million de tonnes de marchandises, et que le mouvement des voyageurs à l’arrivée et au départ est au total de plus de 500,000 individus. On dit que la compagnie est animée d’un très bon vouloir à l’égard de cette place, qu’elle a un moment négligée. Peut-être ferait-elle bien d’établir une nouvelle ligne de sortie le long de la Seine, plus courte que celle qui existe et qui aborde Le Havre par le sommet des coteaux. Il faut songer qu’il y a là de nombreux viaducs, dont une pile, un arceau, pourrait peut-être s’écrouler un jour ou tout au moins exiger quelque réparation urgente, et fermer ainsi, pendant tout le temps que durerait cet arrêt forcé, toute sortie par terre au Havre, nous entendons toute communication ferrée avec Paris. Ce n’est pas trop de deux lignes de fer pour le dégagement d’un port comme celui-là. Anvers, son heureux rival sur l’Escaut, en a trois, sans compter le fleuve lui-même, qui est autrement navigable que la Seine, sans compter aussi les nombreux canaux qui y aboutissent et où se fait une circulation si active.

Aujourd’hui il faut que la marchandise soit voiturée vite, sans perte de temps au départ, dans le trajet, à l’arrivée, sans magasinage, sans entrepôt forcé ; il faut éviter les manutentions inutiles, les frais de transbordement intermédiaire. Quand les hommes d’affaires anglais répètent leur dicton favori que « le temps, c’est de l’argent, » ils l’entendent de cette façon. La marchandise remise le soir à Londres, au chemin de fer, est délivrée le lendemain dans la journée à Liverpool ; la distance est de 332 kilomètres. De Paris au Havre, la distance n’est que de 226 kilomètres, et l’on prend cinq jours par petite vitesse (les Anglais ne connaissent pas