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en si grande abondance serait reçue avec faveur par la Grande-Bretagne.

C’est pour répondre à tous ces besoins, à toutes ces demandes, qu’un canal depuis longtemps réclamé sur la rive droite de la Seine, entre Le Havre et Tancarville, est en ce moment à l’étude. Ce canal partira de l’extrémité du bassin de l’Eure, et suivra la rive droite de la Seine jusqu’au point qu’on nomme le Nais de Tancarville. D’autres préféreraient, mais à tort, utiliser le canal Vauban, qui relie déjà Le Havre à Harfleur ; le malheur est que ce canal est en partie comblé et inaccessible aux bateaux. Il y a plus d’un siècle qu’il est presque hors d’usage ; mieux vaut recourir à un ouvrage entièrement neuf. Rouen à son tour fait au canal projeté, quel qu’il soit, une opposition absolue, comme si le port de Rouen cesserait, par la mise à exécution de ce travail, d’être l’intermédiaire obligé entre Paris et Le Havre et perdrait toutes ses prérogatives, toutes ses facultés manufacturières. Il ne s’agit pas de détrôner Rouen ; il est simplement question de donner à l’un de nos premiers ports et aux navires marchands qui le fréquentent une partie de ce fret d’exportation qu’en tous lieux on réclame si vivement, et qui doit contribuer au salut de notre navigation extérieure, si grandement en souffrance partout.

Le canal projeté entre Tancarville et Le Havre vient d’être soumis à la double enquête réglementaire, l’enquête nautique et celle d’utilité publique. Il n’a pour but, comme le dit si bien le rapport de l’ingénieur des ponts et chaussées qui en a dressé l’avant-projet, que de permettre à la batellerie fluviale d’arriver aux bassins du Havre en évitant les dangers de la traversée maritime dans l’estuaire de la Seine. Il aura 25 kilomètres de long, avec une largeur de 43m,60 au niveau de l’eau, 25 mètres au fond, et un mouillage ou profondeur d’eau de 3m,50. Ce mouillage est supérieur de 30 centimètres à celui où doit être portée prochainement la Seine entre Paris et Rouen. D’Harfleur au Havre, le canal devra être accessible aux bricks, aux goélettes et aux bateaux à vapeur charbonniers qui viennent de Cardiff, de Swansea, de Sunderland ou de Newcastle. Le tirant d’eau en sera par conséquent porté à 4m,50. Si cela devenait nécessaire, il pourrait même être amené à 6 mètres, et cela par un simple draguage. On estime que le mouillage de 4m,50 sera pour longtemps suffisant ; car, sur 4,743 navires qui ont pris place dans les bassins du Havre en 1876, plus de la moitié, c’est-à-dire 2,974, calaient au plus 4 mètres.

Les chalands dits rouennais, lesquels font un service régulier entre Paris et Rouen, ayant une largeur de moins de 8 mètres, le canal pourra donner passage à deux convois de chalands à la fois marchant en sens contraire l’un de l’autre, sans que ceux-ci soient