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Silésie ou de la Vieille-Montagne, le cuivre du Chili et du Lac-Supérieur, le thé de Chine, puis la soie, l’indigo, l’orseille, le cacao, la vanille, enfin toutes les denrées du globe. Sur les quais, on remarque, empilés en longues bûches, en billes, en poutres, les bois de campêche ou d’acajou d’Haïti, de la Guayra, ou bien la houille d’Angleterre, les fontes d’Ecosse, les planches et les madriers de sapin de Norvège. Une grande animation règne partout. Ce ne sont que charrettes qui chargent, que portefaix qui vont et qui viennent, et le long du quai Colbert, le plus sale, le plus boueux de tous, qui s’étend devant le bassin Vauban, des files interminables de wagons combles de houille.

On calcule que le mouvement général du port du Havre, en 1876, a été à l’entrée et à la sortie de 11,931 navires de tous pavillons, chargés ou sur lest, jaugeant 3,665,000 tonneaux[1]. En 1865, le mouvement correspondant n’avait été que de 11,499 navires, jaugeant 1,811,000 tonneaux. Le tonnage, dans la dernière dizaine d’années, a doublé, tandis que le nombre des navires est resté à peu près le même. Ce résultat rend sensibles deux phénomènes économiques qui s’accentuent de plus en plus dans nos ports : la progression ascendante du tonnage général d’une part, et de l’autre l’augmentation du tonnage moyen des navires. Dans le premier cas, c’est le développement des affaires qui se révèle ; dans le second se cache une des transformations les plus radicales de la marine marchande française. Si celle-ci se plaint si fort aujourd’hui, c’est que la lutte se concentre de plus en plus entre les grands navires. Quand ces navires sont à vapeur, ils peuvent faire deux ou trois voyages là où le voilier n’en fait qu’un. Voilà le véritable nœud de la question, et elle est à peu près insoluble si l’on veut satisfaire à toutes les plaintes de la marine marchande. Ce serait comme si les rouliers et les conducteurs de diligences se plaignaient aujourd’hui de la concurrence de la locomotive.

Le poids total des marchandises entrées ou sorties, en tonnes de 1,000 kilogrammes, a été au Havre, en 1876, de 1,600,000 tonnes, dont 1,200,000 à l’entrée et 400,000 à la sortie[2]. Cela signifie que le tonnage utile des navires, celui occupé par le fret, n’a été dans l’ensemble que d’un peu moins de la moitié de celui de la jauge totale, et que le fret de sortie a été au fret d’entrée dans la proportion du tiers seulement. Ici comme dans tous nos ports, c’est le

  1. Revue de la situation maritime et commerciale du Havre pendant l’année 1876, publiée par la chambre de commerce.
  2. Tableau général du commerce de la France pendant l’année 1876, Paris. Imprimerie nationale, 1877.