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marqua pour Le Havre une ère de grande prospérité. Ce port entretint des relations suivies avec toutes les colonies que possédait la France, surtout le Canada, la Louisiane, Saint-Domingue, les îles de France et Bourbon, et tous les établissemens de l’Inde. Sous Louis XVI, le bassin du Roi étant devenu insuffisant, les bassins du Commerce et de la Barre furent décrétés ; l’ingénieur Lamandé en traça les dessins. La tourmente révolutionnaire arrêta un moment ces travaux.

En 1802, le premier consul vint visiter Le Havre, et, applaudissant à l’heureuse situation de la ville, déclara qu’il en voulait faire « le port de Paris. » Il décida le creusement d’un nouveau bassin, celui de la Floride. Ce bassin et ceux du Commerce et de la Barre ne furent achevés qu’en 1834. Depuis, Le Havre n’a pas cessé un instant de s’accroître, de s’embellir. C’est le premier de nos ports que la voie ferrée ait relié à Paris. Tous les gouvernemens à l’envi se sont préoccupés de l’augmentation, de l’entretien, de l’approfondissement, de l’amélioration de ses bassins, de ses quais. A ceux que nous avons nommés sont venus s’ajouter les bassins de Vauban, de l’Eure, de la Citadelle. Il y a vingt ans, on a abattu les remparts, dans lesquels étouffait la ville et qui n’avaient plus de raison d’être depuis la fondation du port militaire et de l’arsenal de Cherbourg. On a agrandi l’avant-port. Sans respect pour les vieilles choses, on a démoli la tour de François Ier et celle du Vidame, que pleurent encore les antiquaires et qui marquaient d’une façon si pittoresque l’entrée de la passe menant aux bassins. On a construit de grands entrepôts pour toutes les marchandises, des docks, des magasins généraux, on a édifié de nouvelles formes de radoub pour la réparation des navires, de nouveaux appareils de chargement et de déchargement. On a doté la ville de belles avenues, de quartiers neufs, de quelques édifices publics dont elle manquait. Les communes voisines, ou plutôt les faubourgs d’Ingouville, de Sanvic, de Graville, ont été comme annexés au Havre ; les villas des riches né-gocians d’une part, et de l’autre les vastes établissemens de l’industrie, ont occupé utilement des surfaces auparavant délaissées. Le long de la côte, la ville a marché vers Sainte-Adresse, qui semble, elle aussi, n’en être qu’un des faubourgs, et elle a comme consacré cette marche envahissante en dressant sur le littoral un magnifique établissement de bains de mer qui fait concurrence à ceux de Trou-ville et de toutes les plages normandes. Aujourd’hui Le Havre, qui au commencement du siècle comptait à peine 20,000 âmes, en compte 92,000. Aucun de nos ports, aucune de nos grandes cités manufacturières ne peut se réclamer d’un pareil développement ; aussi Le Havre n’est-il plus seulement le port de Paris, mais le