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dernier temple de Jérusalem, qui fut précisément bâti à la même époque. Cette particularité suffit pour recommander le temple de Baalsamin à l’attention des savans. Les fouilles qu’on entreprit pour dégager la façade furent marquées par un incident curieux : des piédestaux, debout devant la portique d’entrée, et couverts encore d’inscriptions grecques ou nabatéennes, étaient destinés à porter les statues de quelques personnages importans. L’un d’eux était le chef même de la dynastie iduméenne, Hérode, le roi du pays. Son nom, qu’on pouvait lire encore sur un piédestal, excita, comme on pense, l’attention de nos voyageurs. Un moment ils eurent l’espérance de retrouver parmi les décombres un portrait authentique du grand Hérode et d’en enrichir le musée du Louvre ; mais il n’en restait que d’informes débris. La statue avait été arrachée violemment de sa base, à laquelle un des pieds était encore attaché, et brisée en morceaux. C’était sans doute quelque chrétien, dans les premiers temps du triomphe de l’église, qui avait voulu venger le massacre des innocens sur l’effigie du meurtrier.

Vers le temps même où Hérode-Agrippa essayait d’arracher ses sujets’ à la barbarie, commence, dans une contrée tout à fait voisine, la prospérité de Palmyre[1]. Là aussi, c’est la civilisation grecque qui séduit les Syriens ; ils veulent l’imiter, et se mettent à construire sur ce modèle ces temples, ces avenues, ces palais qu’admirent les voyageurs. Cette ville célèbre est tous les jours plus visitée et mieux connue. On y avait trouvé déjà treize inscriptions araméennes, M. de Vogüé en rapporte cent trente-quatre nouvelles, et nous les explique. En général, ce sont des décrets rendus en l’honneur de quelques citoyens riches et puissans. Les éloges qu’on leur donne et le genre de services dont on les remercie nous aident à comprendre les raisons qui donnèrent à Palmyre tant de fortune et de grandeur. C’est de là que partaient les caravanes qui traversaient le désert pour aller jusqu’aux bords du Tigre ou de l’Euphrate ; c’est là qu’au retour, quand elles n’avaient pas rencontré de pillards sur la route, elles rapportaient les marchandises de la Perse et de l’Inde. Palmyre était ainsi devenue le centre d’un grand commerce que Pline évalue pour Rome seule à 100 millions de sesterces par an. Ceux qui organisaient ces caravanes et se chargeaient de les conduire étaient des personnages importans du pays, Syriens ou Arabes, à la fois commerçans, diplomates et soldats, qui avaient dans leur dépendance ou leur amitié des tribus entières de nomades. C’était une grande affaire de réunir les vivres nécessaires à tant de personnes pour un voyage de deux mois, de

  1. Le plus ancien monument daté qui reste de Palmyre est du commencement de notre ère.