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Au mois de juillet 1872, la commission des auteurs et compositeurs dramatiques, par la voix de son président, M. Auguste Maquet, pria le préfet de police, M. Léon Renault, de faire respecter par les cafés-concerts cette ordonnance de police qu’ils étaient si habilement parvenus à éluder. Le préfet en référa au ministre de l’instruction publique et des beaux-arts, M. Jules Simon, le seul, nous l’avons dit, qui se soit réellement occupé des intérêts de l’art français. M. Jules Simon, que l’accroissement des cafés-concerts inquiétait, parce qu’il y voyait avec raison la perversion de la morale et du goût public, s’adressa comme de juste au bureau des théâtres, en lui demandant les chiffres nécessaires et un exposé de la question. Le sous-directeur des beaux-arts, M. Amédée de Beauplan, et le chef du bureau des théâtres, M. Des Chapelles, déclarèrent le bien fondé de la requête de la commission des auteurs et compositeurs dramatiques. Ce rapport décida le ministère à entrer dans la voie de répression, et, le 4 février 1873, il écrivit à M. Léon Renault une lettre autographe où nous relevons les lignes suivantes : « Si je pouvais supprimer tous les cafés-concerts, je n’hésiterais pas un instant. Je suis toujours préoccupé du désir de faire concurrence à la musique odieuse par la musique honnête et décente. Je cherche partout… » En même temps, le ministre faisait venir te propriétaire d’un des principaux cafés-concerts de Paris, et lui tenait ce langage : « Au lieu de débiter au public des airs ridicules, essayez de lui faire entendre de la belle musique. Je suis convaincu qu’il y a dans les maîtres telles ou telles pages qui enthousiasmeraient la foule. En tout cas, c’est une généreuse tentative. Faites-la, et je vous donne une subvention. » L’entrepreneur consentit, alléché peut-être par cette promesse. M. Jules Simon demanda alors à M. Ambroise Thomas la liste des instrumens rigoureusement nécessaires à l’exécution de son idée, de telle sorte qu’on pût composer un orchestre convenable moyennant un prix peu élevé. L’affaire était conclue, lorsque M. Jules Simon quitta le ministère ; elle n’eut pas de suites. De son côté, mais à contre-cœur, M. Léon Renault s’occupait de la question. Il commença par donner des ordres sévères aux commissaires de police pour qu’ils ramenassent, chacun dans leur quartier, les cafés-concerts à l’observance de cet article 68 tant de fois violé. La cause était gagnée ; aujourd’hui, il y aurait quatre ans que le mal aurait cessé de grandir, lorsque, presque immédiatement, contre-ordre fut envoyé par M. Léon Renault, qui ajourna l’application des mesures réclamées par le ministre. Le préfet de police promit seulement de se montrer plus rigoureux sur le visa des programmes, et de refuser à l’avenir toute autorisation pour la création de nouveaux cafés-concerts. Néanmoins, peu de temps après, des autorisations étaient encore accordées ; on se contenta de s’enquérir