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la littérature dramatique, dix écrivains qui oseraient la défendre. Aujourd’hui que l’expérience a plaidé elle-même le pour et le contre, presque tous les hommes du métier ont leur opinion faite. Certes ils ne demanderaient pas qu’on en revînt aux erremens du système qui prévalait avant le décret de 1864 ; mais, entre la répression absolue et la liberté illimitée, il y a un juste milieu où l’on peut se tenir. La grande majorité des gens de théâtre, directeurs, auteurs, critiques ou comédiens, est d’accord sur certains points. Qu’on réduise le nombre des scènes ; l’opérette certes en souffrira : où est le mal ? Que l’administration des beaux-arts accorde difficilement de nouvelles autorisations, en tout cas qu’elle ait soin de s’enquérir auparavant de l’honnêteté et des moyens pécuniaires des solliciteurs ; enfin qu’on lui donne assez d’autorité pour forcer les directeurs subventionnés à observer leurs cahiers des charges, devenus absolument illusoires. Pour ne citer qu’un exemple, ce qui se passe à l’Odéon n’est-il pas un vrai scandale ?

Le directeur de l’Odéon reçoit annuellement une subvention de 60,000 francs. En échange, lorsqu’il a signé son cahier des charges en septembre 1872, il a pris l’engagement de donner par an : 1° quatre pièces nouvelles en trois, quatre ou cinq actes ; 2° quatre pièces nouvelles en un ou deux actes ; 3° quarante représentations classiques ; ce qui subdivisait ainsi sa subvention :


1,000 francs par chaque représentation classique 40,000 fr.
4,000 francs pour chaque grande pièce, soit pour les quatre. 16,000
1,000 francs pour chaque petite pièce, soit pour les quatre. 4,000
Total. 60,000


Cette subvention de 60,000 francs est doublée par ce fait que M. Duquesnel n’a pas de loyer à payer, l’état lui concédant gratuitement la salle. Or, à l’heure où nous écrivons, le directeur de l’Odéon est d’une année en retard sur le nombre des grandes pièces qu’il est tenu de jouer ; ce retard serait même plus considérable, s’il n’avait pris soin d’étrangler un ou deux auteurs nouveaux entre deux ouvrages importans. A l’heure présente, il monte à grands frais un drame posthume d’Alexandre Dumas père, et il fait annoncer qu’il entend bien le jouer une année entière ; mais que deviendront ses engagemens pendant cette année-là ? L’administration des beaux-arts lui permettra-t-elle de suivre toujours les mêmes erremens ? N’est-elle pas bien faible avec lui ? Lorsqu’on fait observer que le directeur de l’Odéon manque à la lettre et à l’esprit de son cahier des charges, qu’il donne ses représentations classiques en matinées, contre son droit ; que, depuis cinq ans qu’il est