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Voit l’abîme profond se creuser devant lui,
Quand l’étoile soudain aux cieux s’est effacée,
Qui sur les flots amers jusqu’alors avait lui,
Ainsi va s’engloutir mon âme délaissée.

Minuit ! depuis longtemps s’était enfui le jour,
Quand un autre soleil brilla pour mon amour ;
Brève fut la parole et splendide la fête !

Raconter mon tourment serait m’en délivrer ;
Mais cet art singulier, comment le rencontrer :
Trouver d’un sentiment l’expression parfaite ?

Il a parlé, rompu son vœu de silence, et jamais plus ne reviendra la bien-aimée. Ses misères, son désespoir, et finalement la manière dont il s’est consolé, un dernier fragment nous apprendra tout :

À toi s’était donné mon cœur comme une proie.
Où je cherchais la paix, j’ai trouvé le souci ;
Et du brasier splendide où plus rien ne flamboie,
Si quelqu’un tient à voir les cendres : les voici !

Mais vers l’azur céleste un moment obscurci,
L’aile de mon esprit à la fin se déploie,
C’est l’heure de s’ouvrir une nouvelle voie…
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Là s’arrête le sonnet ; l’homme s’est reconquis, l’artiste retourne au travail, à ses hautes visées de renom et de fortune. Est-ce la peine d’ajouter que l’ordre dans lequel nous plaçons ces divers sonnets est absolument arbitraire ? Il se peut que celui que nous classons en tête soit le troisième, et que le quatrième soit le deuxième, il se peut surtout qu’entre ces numéros plusieurs aient pris leur rang, nombre d’autres petits poèmes désormais perdus et qui nous serviraient à reconstituer le roman au sujet duquel nous en sommes réduits aux simples conjectures. N’importe, ne nous décourageons pas, cherchons la femme.

Passavant rapproche les uns des autres, en les contrôlant, certains mythes ayant cours dans la littérature sur la vie galante de son héros. Ainsi Raphaël aurait eu à Urbin une liaison avec la fille d’un potier. Passavant refusant tout crédit à cette historiette, un Allemand, M. de Rumohr, reprend la tradition et l’appuie sur la découverte d’une assiette de majolique représentant un raphaëlesque adolescent, un giovane di formosa bellezza, comme dit Vasari du Frédéric II, figurant dans l’École d’Athènes[1], qui tient entre ses

  1. Frédéric II, duc de Parme, et dont la présence au sein d’un pareil aréopage ne se peut expliquer que par ce besoin qui possédait l’âme du grand artiste de saisir et de reproduire partout la beauté sous quelque forme qu’elle apparût.