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des agotes. Encore aujourd’hui les alliances sont extrêmement rares entre les fils des parias et les autres paroissiens d’Anhaux ; tous pourtant se mêlent dans leurs affaires ou leurs plaisirs, et les enfans vont ensemble à l’école ; l’instituteur ne fait point de différence entre ses élèves pour l’intelligence qui est ordinaire. Quant à leurs qualités morales, le curé de la paroisse, qui compte plus de vingt-ans de résidence, a constaté en termes élogieux leur assiduité au travail, leur adresse manuelle, leur politesse, leur douceur et leur modestie. A Michelena, autre petit hameau de 154 habitans, séparé par la rivière du bourg de Saint-Étienne (canton de Baïgorry), le type est le même, parfaitement reconnaissable, mais enlaidi. La plupart des hommes sont grands de moins de cinq pieds ; ils ont la face terne et sans fraîcheur, le nez gros, les lèvres lippues ; beaucoup aussi sont sujets aux scrofules ; mais cette dégénérescence de la race ne s’explique que trop bien, par les effets de la misère d’abord, puis par les conditions défavorables des pauvres chaumières qu’ils habitent et où tout le long du jour ils font mouvoir leurs métiers, entassés sur la terre humide, presque sans air et sans lumière. Du reste ils ont gardé cette forme particulière de la tête, s’élargissant à la région pariéto-occipitale, qui sert à distinguer le Basque de tous les autres hommes de race blanche, comme aussi le contraste, très fréquent chez lui et non moins curieux, entre la teinte claire des yeux et de la peau et la couleur brune des cheveux. C’est en 1848 que pour la première fois les gens de Michelena obtinrent l’entrée du conseil municipal, mais on leur refuse encore celle des familles pures ; aussi émigrent-ils assez souvent dans l’Amérique du Sud.

Entrons maintenant en Espagne, dans la vallée du Baztan, qui n’est séparée de la vallée de Baïgorry et de la France que par un chaînon des Pyrénées. Voici d’abord le bourg pittoresque d’Arizcun et un peu plus loin Bozate qui en dépend et qui fut de tout temps comme le quartier général des agotes de la Haute-Navarre ; entre les deux coule le ruisseau du Baztan qui a donné son nom à la vallée et qui le changera bientôt contre un autre plus historique, celui de Bidassoa. La population s’y compose de 300 habitans environ ; pour le teint, la couleur des yeux, la forme caractéristique du front et de la tête ils rappellent exactement leurs congénères de France et par suite le type basque ordinaire ; toutefois le nombre des blonds serait chez eux plus considérable. Tous présentent sur leur figure et dans leur démarche L’aspect de la force et de la santé ; à vrai dire, cette vallée est une des plus salubres et des plus fertiles des Pyrénées. Pour leur part, les gens de Bozate élèvent beaucoup de porcs et de volailles ; presque tous cultivent la terre comme fermiers ou petits propriétaires, d’autres exercent les divers métiers nécessaires aux