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perdu tous leurs privilèges, ils étaient rentrés dans le droit commun à l’égard de l’impôt, les maisons et les terres des anciennes cagoteries étaient désormais sujettes à la taille et aux autres charges de la communauté, mais les persécutions n’avaient pas pris fin, et ils se voyaient toujours, comme par le passé, en butte à la haine et au mépris général. Ce n’étaient pas seulement les gens du vulgaire qui se montraient le plus entêtés des vieilles idées : témoin Mgr de Revel, évêque de Sainte-Marie, mort en 1784, qui n’admettait aucun cagot à recevoir les ordres sacrés ; témoin aussi à Lurbe, petite commune du canton d’Oloron, certain curé, dont M. F. Michel a tout au long raconté l’histoire. En 1788, ce prêtre intolérant séparait encore dans la maison de Dieu les cagots des autres paroissiens : une auge placée à quelques pas de la porte leur servait à la fois de bénitier et de limite. Un jour, une cagote ayant voulu se placer devant la borne, le curé hors de lui se prit à crier de toutes ses forces : « Votre place n’est pas là, cagote, et sachez que moi, que je sois devant ou derrière vous, je suis toujours votre curé ; mais vous autres, que vous soyez devant ou derrière, vous ne serez jamais que de vilains cagots. » Un autre jour, un cagot ayant touché par mégarde l’encensoir, il le fît mettre immédiatement à la porte et lui interdit pour toujours l’entrée de l’église. Souvent il lui arrivait d’insulter ces malheureux en présence d’un nombreux public et de les traiter de damnés. Peu de temps avant la révolution, ce même curé de Lurbe intenta un procès à son frère aîné, seigneur de l’endroit, qui, faisant bon marché du qu’en dira-t-on, avait osé épouser une cagote ; il voulait qu’on le privât de tous ses droits et privilèges, mais le parlement de Navarre resta sourd à cette demande. Toujours d’après le récit de M. F. Michel, dans les premières années du règne de Louis XVI, un riche cagot des Landes fut remarqué à trois reprises différentes prenant de l’eau bénite dans le bénitier réservé aux personnes saines. Un ancien soldat, l’ayant appris, s’arma de son sabre et alla un dimanche guetter notre homme à l’entrée de l’église. Au moment où l’imprudent s’apprêtait à violer de nouveau l’interdiction faite à tous ceux de sa caste, le soudard lui trancha la main, que l’on s’empressa de ramasser et de clouer à la porte du lieu saint comme un avertissement pour quiconque serait tenté de suivre son exemple. Pendant la période révolutionnaire, au milieu du trouble et du désordre général, les cagots réussirent à faire disparaître en beaucoup d’endroits les actes qui constataient l’ignominie de leur naissance ; pourtant, à défaut d’écrits, la tradition survécut, et continua de signaler à l’aversion publique, la descendance des parias.

Quant aux agotes de Navarre, dès l’an 1514, désireux de secouer