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maison, il me semble qu’elle est bien près d’être couverte. L’assemblée et le public paraissent comprendre l’importance de la distinction des pouvoirs… J’ai toujours observé que les grandes assemblées et le public en général sont d’abord violens, mais finissent par s’attacher à ce qui est juste, et je suis confirmé dans ce sentiment par ce qui s’est passé à propos de vos religieuses. C’est une pitié de voir des ecclésiastiques recourir à des arguties d’avocat, au lieu de présenter des considérations franches et hardies, et de faire appel à la justice, au bon sens du public et de l’assemblée. votre révolution est dure pour les individus, mais l’effet qu’elle produira sur le monde dépasse tout ce que l’imagination peut se figurer. »

L’échec qu’avait subi Pitt sur la question d’Orient ébranla sa position. Lord Loughborough s’occupa d’une combinaison qui aurait ramené au pouvoir Fox et ses amis, et le roi, qui était fatigué des tons hautains et de l’esprit dominateur de Pitt, fit appeler Lansdowne. A ce moment, on s’amusa beaucoup d’une caricature de Gillray, qui représentait le marquis montant en voiture pour aller au palais de Saint-James : devant les chevaux, on voyait voler la colombe de la paix ; le marquis, se penchant hors de la voiture, criait au cocher : « En route, chien, en route, partez de suite. Ah ! le ciel s’éclaircit. En route, chien, en route. » Fox, Sheridan et leurs amis s’accrochaient au char par derrière et criaient : « Arrêtez, arrêtez ! prenez-nous dedans, arrêtez ! » Dans le fond du tableau, on apercevait Pitt et Dundas sortant du palais. Le marquis de Lansdowne représenta au roi que le changement de ministère devait entraîner un changement complet dans le personnel et la ligne de conduite, et il lui remit un Mémoire très confus sur les modifications qu’il fallait opérer. Le roi ne fit pas de réponse à cette communication, et Pitt se trouva plus fort que jamais, après l’insuccès de toutes ces tentatives de l’évincer.

Dès ce moment la politique prit une allure plus accusée et plus hostile à la France. A mesure que le mouvement révolutionnaire était exaspéré par les intrigues de l’intérieur et les menaces de l’étranger, l’opinion publique en Angleterre se montrait défiante, irritée, et bientôt elle fut en proie à la panique la plus furieuse. Tout le monde se précipita du côté de la réaction la plus violente ; le pays se souleva comme s’il avait à protéger son indépendance et sa sécurité contre une invasion de fous et de bandits. Les hommes politiques renièrent les principes de toute leur vie ; les mesures de répression les plus rigoureuses fusent réclamées et approuvées par le public, et il suffisait d’être suspecté de professer des opinions libérales pour être exclu de tous les emplois rétribués et des salons. D’honnêtes commerçans, qui se hasardaient à insinuer qu’il y avait