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pasteur de l’église française de Saint-Pétersbourg et que Mirabeau avait demandé à Shelburne de lui laisser comme auxiliaire pour achever leur éducation, et par Benjamin Vaughan, l’économiste, qui lui écrivait ces mots bien caractéristiques : « Ce pays à la fièvre, non pas la fièvre de la maladie, mais la fièvre de l’enthousiasme. »

Burke, dès le début de la révolution, se sépara de ses amis, et l’attaqua avec la plus extrême violence ; mais l’opinion publique n’était pas encore affolée, et l’on n’était pas disposé à faire la guerre pour une idée. Pitt ne redoutait pas alors pour l’Angleterre l’invasion de théories et de passions subversives, et il calmait les appréhensions de Burke : Soyez persuadé que nous continuerons à rester ce que nous sommes jusqu’au jour du jugement. Shelburne, dans ses lettres à Morellet, appréciait les difficultés et les dangers de la situation avec une rare perspicacité. « L’écueil sur lequel peuvent aller se perdre les communes françaises, c’est la prétention de faire trop de choses à la fois. Si vous obtenez des garanties sérieuses pour la liberté de la presse, s’il n’y a plus de prétexte aux lettres de cachet, si les assemblées provinciales sont rétablies, et si l’on opère quelques réductions sur les dépenses, le reste viendra en son temps. Je ne puis pas m’empêcher d’être complètement d’accord avec ceux qui réclament la réunion des trois ordres. Je considère M. Montesquieu comme le second sauveur du monde ; mais voilà longtemps que je pense que tout ce qu’il dit de notre constitution est tout à fait chimérique. J’estime que le progrès naturel des choses est de passer de l’ignorance au pédantisme, et du pédantisme à la simplicité et à la vérité. voilà trente ans que je suis un observateur et un peu un acteur dans le monde politique, et je n’ai jamais vu aucun bon résultat de cette fameuse division des trois ordres, si ce n’est de gagner du temps et de laisser l’opinion se prononcer ; mais je suis sûr que la noblesse française aura deux fois plus d’influence en se mêlant au tiers. Ceux qui ont des principes qu’ils ne peuvent pas justifier et qui ne supportent pas la discussion auront certainement beaucoup plus de pouvoir s’ils sont séparés et s’ils peuvent opposer leur veto. Je viens de lire le Mémoire de M. Necker sur les blés, et je ne puis vous dire combien je suis attristé d’y retrouver le même levain… Tout ce que vous dites de notre gouvernement est parfaitement exact ; il faut ajouter seulement qu’il ressemble à ces vieilles maisons de campagne avec de bons appartenons en bon état, où l’on peut parfaitement loger ; mais tout ça ne vaut pas une maison neuve. Cependant ce serait insensé à nous de jeter bas notre maison pour en construire une autre ; il ne faut pas s’attendre à rencontrer dans les choses humaines une harmonie et une symétrie parfaites. Quant à votre