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l’organisation de ces colonies lointaines. L’habile ministre qui a créé, il y a dix ans, le dominion du Canada, proposait cette fois d’autoriser les provinces de l’Afrique à s’unir en une confédération. Notons que lord Carnavon n’entendait obliger personne à en faire partie. C’est par une adhésion volontaire et réfléchie, après délibération des conseils représentatifs de chaque province, que l’union dont il s’agit devait être formée. L’économie du projet était bien simple : un parlement africain composé de deux chambres électives, un gouverneur-général nommé par la reine, un ministère responsable ; en voilà les traits principaux. Les colons du Cap ne firent pas bon accueil à cette proposition lorsqu’ils en entendirent parler pour la première fois ; ils craignaient peut-être ou que la ville du Cap, dont la situation est loin d’être centrale, y perdît son titre de métropole, ou que l’influence prépondérante dont ils ont joui jusqu’à présent leur fût enlevée par les districts de nouvelle formation. Ce projet est ajourné ; il ne peut aboutir qu’après décision prise sur quelques points de grande importance que l’on ne saurait trancher brutalement. Quel rôle politique donnera-t-on, par exemple, aux natifs englobés dans cette vaste confédération ? S’ils comptent comme citoyens, le Transvaal avec son million d’indigènes devient un état de premier ordre ; mais qu’en penseront les boers aux yeux de qui les Cafres sont toujours l’ennemi héréditaire ? D’autre part, il est impossible de traiter comme des Ilotes ces tribus qui montrent une rare aptitude pour la civilisation, différentes sous ce rapport des Indiens de l’Amérique du nord ou des Maoris de la Nouvelle-Zélande qui reculent devant la conquête européenne jusqu’à ce qu’ils disparaissent de la surface de la terre.

L’histoire de l’Afrique australe s’arrêterait ici, s’il n’y était sur venu en ces dernières semaines un incident fâcheux. Les habitans de la Cafrerie britannique vivaient en paix depuis vingt ans ; à la fin du mois de septembre, une insurrection y a éclaté tout à coup. On n’a pas oublié qu’en l’année 1857 la tribu des Galekas, connue par ses habitudes belliqueuses, se laissa persuader par une prophétesse indigène qu’il fallait exterminer tous les troupeaux, brûler les récoltes, tout détruire, sauf les armes et les munitions de guerre. Épuisés par cette sorte de suicide collectif, les Galekas voulurent se révolter ; on les chassa de leur territoire où fut appelée une autre tribu, celle des Fingoes, qui avait vécu jusqu’alors dans la servitude. Cependant les Galekas ayant imploré la pitié des Anglais reçurent de sir G. Grey la permission de reprendre une partie de leurs anciens cantonnemens. Depuis cette époque, ils avaient prospéré, ils s’étaient multipliés, à un moindre degré toutefois que les Fingoes qui, sous la tutelle d’un magistrat anglais, ont bâti des