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n’arrivaient pas volontiers. Les grands courans d’émigration que l’Angleterre dirige depuis 1815 vers l’Amérique du nord, vers les côtes plus lointaines de l’Australie, se sont toujours détournés da cap de Bonne-Espérance. On serait embarrassé d’en dire la cause. En 1847, un individu parcourut l’Angleterre en offrant des lots de terre de vingt arpens à quiconque voudrait le suivre jusqu’à Natal. Quelques milliers d’individus se laissèrent prendre à ces promesses ; à peine arrivés, ils s’aperçurent que dans cette contrée de culture pastorale on ne réussit que sur des concessions de grande étendue. L’entreprise s’arrêta bientôt. Toutefois la colonie était prospère. Un conseil législatif, composé partie de fonctionnaires et partie de membres élus, lui avait été accordé en 1856. Les indigènes venaient s’y établir volontiers, parce qu’ils s’y trouvaient protégés aussi bien contre les cruautés des boers que contre les exactions de leurs chefs naturels. A l’heure actuelle, après trente-sept ans d’occupation, on y compte 20,000 blancs et environ 350,000 natifs. Ce qu’il y a de plus turbulent dans la population indigène est resté au nord, dans le territoire que l’on appelle encore le Zoulouland.

Ce mélange de races en proportions très inégales est cause que l’administration de Natal a toujours été délicate. Cependant il n’y a jamais eu qu’une révolte de quelque gravité. Il y a cinq ans, Langalibalele, chef d’une tribu qui était venue se mettre sous le patronage du lieutenant-gouverneur pour échapper à la domination des Zoulous, réussit à se procurer un grand nombre de fusils en envoyant les jeunes gens sous ses ordres aux minés d’or ou de diamans ; les Anglais, s’en étant aperçus, voulurent les lui faire livrer. Au lieu d’obéir, il franchit le Drakenberg, dont il occupait le versant oriental, afin de se retirer sur le territoire des Basoutos, espérant y mettre en sûreté les vieillards, les femmes, les troupeaux de sa tribu et revenir ensuite avec les combattans tenir tête aux soldats anglais. Mais les Basoutos avaient déjà fait leur soumission. Des détachemens partis du Cap et de la Cafrerie le prirent par derrière, tandis que les troupes de Natal s’avançaient d’un autre côté. Langalibalele fut fait prisonnier avec les principaux de ses compagnons, jugé par une cour martiale, condamné à la déportation. Il est vrai que le ministre des colonies ne ratifia pas la sentence. Cette affaire eut d’ailleurs des conséquences fâcheuses pour les colons européens. On crut à Londres que les autorités de Natal s’étaient montrées trop dures pour les indigènes. Le général qui venait de conduire avec succès la guerre contre les Achantis, sir Garnet Wolseley, reçut mission de se rendre à Natal pour en réformer le gouvernement. Dans la province du Cap, les privilèges des habitans de race blanche avaient été accrus peu à peu, au point qu’ils jouissaient enfin du