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soutenir la discussion, M. Brand publia une proclamation par laquelle il apprenait à l’univers que les placers diamantifères appartenaient aux boers ; bien plus, il y envoya un commissaire chargé de faire valoir les droits de la république ou plutôt d’exercer en son nom les attributs de la souveraineté dans la partie située sur la rive gauche du Vaal. Les boers du Transvaal ne voulurent pas être en reste ; eux aussi ils envoyèrent un délégué avec mission de s’installer dans le district situé sur la rive droite.

L’affaire eût été moins embrouillée que l’Angleterre aurait encore hésité à abandonner sans procès un territoire si précieux dont les détenteurs actuels étaient d’ailleurs presque tous ses sujets. Le gouvernement du Cap était vacant à cette époque ; depuis le départ de sir Philip Wodehouse et jusqu’à l’arrivée de sir H. Barkly, son successeur, la colonie avait pour administrateur provisoire le général Hay, commandant des troupes. Celui-ci n’eut pas plutôt reçu connaissance de la proclamation émise par le président Brand qu’il lui adressa une protestation par laquelle il rappelait et les droits antérieurs de Waterboer et l’offre de soumission que ce chef avait faite au gouvernement britannique. En même temps, il avertit ses compatriotes cantonnés dans la région diamantifère de se mettre en garde contre les entreprises des républiques voisines ; puis, en vertu d’un acte du parlement qui lui donnait autorité pour pourvoir à l’administration des Européens établis dans les territoires n’appartenant à aucune nation civilisée, il mit à leur tête un magistrat chargé d’exercer au milieu d’eux la juridiction ordinaire suivant les lois et les coutumes de la colonie.

A peine le nouveau gouverneur, sir H. Barkly, eut-il pris possession de ses fonctions en décembre 1870, qu’il entreprit de se rendre en personne sur les bords du Vaal pour résoudre sur place l’épineuse affaire engagée par son prédécesseur. Il faut renoncer à faire un exposé même succinct des argumens que l’on faisait valoir de part et d’autre, Waterboer pour démontrer que le territoire en litige lui avait toujours appartenu et qu’il avait par conséquent le droit de l’aliéner au profit des Anglais, les boers pour prouver que ce même territoire leur avait été reconnu par la déclaration d’indépendance de 1854. Les traités diplomatiques conclus entre gouvernemens civilisés contiennent parfois des stipulations dont le sens est douteux ; à plus forte raison cela doit-il arriver dans un contrat conclu au cœur, de l’Afrique. Il y avait toutes les causes d’incertitude imaginables dans ce débat ; des phrases à double sens, des lettres écrites par un chef qui ne savait point lire, des concessions de terrain accordées par des gens qui n’étaient pas propriétaires, des droits d’usage créés par une longue possession.