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qu’être flatté pour sa part d’accroître les territoires dont il avait le gouvernement. Aussi ne craignit-il pas de provoquer une proposition dans ce sens de la part du Volksraad de Bloemfontein. Bien plus, il engagea le parlement du Cap à formuler son opinion sur ce sujet. Les instructions qu’il avait reçues lui prescrivaient cependant de ne rien entreprendre avant d’avoir reçu de nouveaux ordres. Le secrétaire d’état des colonies, — c’était alors sir Bulwer Lytton, — eut donc lieu d’être fort mécontent de se voir engagé dans cette affaire. Le gouverneur voulut se justifier, et il le fit avec adresse. L’union des états de l’Afrique australe devait, à l’en croire, les rendre invulnérables contre les tentatives des indigènes, stimuler le commerce et l’industrie par la suppression de frontières artificielles, donner plus de poids aux délibérations des assemblées électives. Il avait déjà fait valoir ces raisons ; s’était-il mépris sur le sens des instructions par lesquelles on lui avait répondu ? Quoi d’étonnant ? Depuis cinq ans qu’il administrait cette province, sept ministres s’étaient succédé à Londres au département des colonies. Chacun de ceux-ci avait eu ses idées propres, son programme. Le ministre actuel, sir B. Lytton, ne lui avait-il pas recommandé l’étude de la question ? « Excusez-moi d’ajouter, disait-il en terminant, que l’on peut mal comprendre à distance les dépêches du chef dont on dépend, même lorsque ces dépêches sont rédigées par l’un des plus habiles écrivains de l’époque. » Néanmoins sir G. Grey fut relevé de ses fonctions. En d’autres occasions déjà, on s’était aperçu qu’il montrait trop d’indépendance ou trop d’empressement à agir de son initiative, ne laissant à ses supérieurs que la ressource d’accepter ou de rejeter un fait accompli.

Il était fâcheux d’enlever à la colonie du Cap un gouverneur que ses défauts mêmes avaient rendu populaire. Par bonheur une nouvelle évolution ministérielle ramena aux affaires le duc de Newcastle dont il était l’ami. Il ne fut plus question de le faire partir, et son séjour se prolongea, trois années encore jusqu’au jour où, sur la nouvelle de troubles survenus dans la Nouvelle-Zélande, le ministre des colonies résolut de le renvoyer dans cette île qu’il avait administrée avec succès. Son règne avait été le plus paisible que l’on eût jamais connu dans l’Afrique australe. Il avait aplani les difficultés, étouffé les querelles, d’où qu’elles vinssent. Natifs et colons avaient raison de le regretter. Ce n’est pas peu de chose pour une contrée qui en est à ses débuts d’avoir sept années de tranquillité intérieure. Ceux qui lui succédèrent, de même crue ceux qui l’avaient précédé, eurent tous une histoire plus agitée.

Sir Philip Wodehouse, crai arrivait au Cap en janvier 1862, avait déjà l’expérience des gouvernemens lointains ; il avait été à Ceylan,