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contrôle du cabinet britannique, dans la province récemment annexée sous le nom de Cafrerie britannique ; les chambres élues n’étaient pas consultées sur la politique à suivre à d’égard des boers ou des tribus natives, bien que la sécurité du territoire en dépendît. En un mot, la colonie était un état libre, sans ministre de la guerre ni ministre des affaires étrangères. Les inconvéniens de cette situation se firent bientôt sentir.

En cette même année où se réunit le premier parlement (1854) arrivait un nouveau gouverneur, sir George Grey, recommandé par les succès qu’il avait obtenus déjà tant en Australie que dans la Nouvelle-Zélande ; dans cette dernière province surtout, où les indigènes s’étaient montrés d’abord fort hostiles à la domination européenne, Il était parvenu à leur imposer une politique de paix et de conciliation. Après un voyage rapide dans la Cafrerie, au-delà de l’Orange et à Natal, pour étudier les ressources du pays et l’esprit de ses habitans, son plan fut vite arrêté. A la métropole il demanda un subside annuel de 40,000 livres sterling pour ouvrir des routes, créer des institutions de charité, répandre l’instruction chez les Cafres, en faisant valoir que cette somme était faible en comparaison de ce qu’avait coûté la dernière guerre, et que cet essai de civilisation, si l’on avait la constance d’y persévérer quelques années, transformerait peu à peu d’anciens insurgés en sujets fidèles et dociles. Il obtint de ce côté ce qu’il sollicitait. La plus récente insurrection avait exigé un sacrifice de plusieurs millions ; la dépense annuelle de l’armée dépassait encore 400,000 livres sterling. On pouvait bien essayer à peu de frais une politique plus humaine. Au parlement du Cap il proposa d’organiser, au prix de 50,000 livres par an, un corps de police à cheval pour surveiller la frontière, et d’enrégimenter les colons en une sorte de garde nationale mobile qui ne sortirait jamais de son district. Ces propositions furent encore adoptées.

Mais la Cafrerie pouvait-elle être pacifiée tant qu’on n’y compterait qu’un millier d’Européens en regard de 90,000 indigènes ? L’état social de cette contrée était vraiment de nature à inspirer quelques inquiétudes. Divisés par tribus, les Cafres vivaient dans des villages ou kraals au sommet des montagnes, les femmes adonnées aux travaux domestiques, les hommes oisifs la plupart du temps. L’un d’eux appelait-il ses compatriotes aux armes, le cri de guerre se répétait de village en village, chacun se dirigeait à la hâte vers le rendez-vous désigné. La vie pastorale, la seule qu’ils connussent, est favorable au maintien des habitudes militaires. Toutefois, comme la richesse du sol leur permettait de faire vivre leurs troupeaux en toute saison sans beaucoup s’écarter de leur campement