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la marque ineffaçable dans tous les personnages de cette époque, soit que leur vie ait été étudiée par autrui, soit qu’ils l’aient eux-mêmes racontée dans des mémoires. En ne se bornant pas à indiquer discrètement une influence possible, en peignant sous des traits énergiques les premières idées sous l’empire desquelles se sont formés les hommes de la révolution, les sentimens qui ont tout d’abord fait battre leur cœur, les convictions qui ont obtenu chez eux l’enthousiasme du jeune âge et conservé le dévoûment de l’âge mûr, M. Mignet a été fidèle à la vérité. Partout, dans les lettres privées comme dans les documens publics, dans les confidences personnelles aussi bien que dans les plus graves récits, ils sont décrits de la même façon, ces temps avant-coureurs de la révolution où l’on avait foi dans une régénération prochaine, ces temps où l’on était heureux et confiant, car, ainsi que le fait observer M. Mignet, on est toujours heureux et confiant dans les momens où les révolutions ne s’opèrent encore que dans les intelligences, où l’on ne change que les idées, où les croyances qui succombent ne font encore souffrir personne, où l’action qui s’exerce est purement morale, et où l’enthousiasme de ce qu’on espère ne permet pas de regretter ce qu’on perd.


III

Par l’entière conformité des jugemens particuliers émis dans les portraits avec les jugemens généraux prononcés dans l’histoire d’ensemble, par la description attachante des immenses travaux aux-. quels se sont livrés les organisateurs de la société nouvelle, par l’intérêt à la fois historique et philosophique qu’offre l’étude de l’origine et du développement de leurs convictions, les notices consacrées par M. Mignet à plusieurs grands personnages de la révolution française ont une importance considérable. Le savant secrétaire perpétuel a mis le même soin consciencieux à composer et à écrire ses autres notices. L’extrême diversité des travaux qui sont dures-sort de l’Académie des sciences morales et politiques fait la variété des portraits de M. Mignet, mais aussi lui a imposé bien des études approfondies sur des sujets très différens. Il n’a jamais failli à ces obligations nombreuses et il a même apporté une application toute particulière quand il s’est agi de décrire des travaux étrangers à ses études habituelles. Lorsque par exemple il a eu à exposer les doctrines médicales et physiologiques du docteur Broussais, il l’a fait avec une exactitude si remarquable, il a paru si familiarisé avec toutes les formules dogmatiques, avec tout le vocabulaire du médecin et du chirurgien qu’on pouvait croire l’historien transformé