Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’omnipotence de cette chambre. Le but auquel tendent tous les efforts de ce parti est l’anéantissement de la constitution anglaise dans la théorie comme dans la pratique. Tant que les whigs depuis la réforme ont exercé le pouvoir, ils se sont alliés à ce parti, ont gouverné avec son aide, ont vécu de sa faveur. Dans les courts intervalles où ceux qu’on nomme encore les tories sont revenus aux affaires, ils ont imité la conduite de leurs prédécesseurs, quelle que fût d’ailleurs leur profession de foi théorique. J’ose affirmer qu’à la seule exception de Robert Peel tous les ministres que j’ai connus depuis 1830 ont travaillé avec ou sans dessein à la ruine de la constitution antérieure à 1830. Ce parti de l’omnipotence des communes a présentement les organes les plus nombreux et les plus retentissans. Sa voix domine toutes les voix dans les journaux, dans les meetings, dans la chambre. Il y a trente ans, mes amis me parlaient du self adjusting principle of the constitution, c’est-à-dire de cette vertu intérieure qui fait que la constitution écarte elle-même peu à peu tout ce qui pourrait troubler sa marche ; ils m’en ont parlé tant et si bien que j’ai fini par y croire. Il me semble en effet que, depuis dix ou quinze ans, commence à grandir une opinion publique, laquelle, si elle prend un corps et une voix, pourrait être une ancre de salut pour l’Angleterre. Cependant les actes des partisans de l’omnipotence démocratique ont jeté un grand trouble chez les esprits sages, intelligens, expérimentés. Le nombre de ces derniers n’est pas médiocre, et, si l’on songe aux personnes dont ce parti se compose, il est singulièrement respectable et important. Malheureusement, comme il est formé de spectateurs beaucoup plus que de politiques actifs, il n’a point de corps et point de voix. Il faudrait qu’il fût rassemblé comme un grand parti politique sous une bannière où seraient inscrits ces mots : L’omnipotence de la chambre des communes est la révolution même et la mort de la vieille constitution nationale. Un tel parti politique pourrait seul donner au gouvernement le moyen d’agir dans le véritable esprit de la constitution, par l’équilibre des trois estates, des trois facteurs, la reine et les deux chambres, et non selon le bon plaisir d’un seul des trois. Je ne désespère pas, mais il y a lieu d’être inquiet et tourmenté, quand on voit à quels ministres et à quelle chambre des communes absurdement usurpatrice est livré aujourd’hui le sort de l’Angleterre. L’Angleterre ne périra point, mais elle a déjà perdu beaucoup de son ancienne position dans le monde et cette perte peut s’aggraver encore dans un prochain avenir. »


Nous ne pensons pas à l’Angleterre de nos jours en reproduisant ces novissima verba du baron de Stockmar. Si le sage conseiller vivait encore, s’il avait vu la reine Victoria entrer dans la quarante et unième année de son règne, s’il voyait les tories se maintenir au pouvoir depuis le 20 février 1874, il modifierait sans doute