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ESSAIS ET NOTICES

LES TÉLÉGRAPHES TÉLÉPHONIQUES.


L’homme qui le premier réunit ses deux mains en forme d’entonnoir autour de ses lèvres, pour augmenter la portée de sa voix, réalisa sans contredit le premier des téléphones dans l’ordre historique. Les tubes acoustiques, que tout le monde connaît, ne sont qu’une modification des anciens porte-voix ; ils ne conduisent pas le son à une distance beaucoup plus grande, mais ils offrent l’avantage de le diriger en tel endroit qu’on désire par des chemins détournés. Un tube acoustique permet en effet de correspondre entre des points qui, pratiquement, ne doivent pas être éloignés de plus de 150 mètres, et de propager la voix avec la vitesse du son dans l’air, c’est-à-dire avec une vitesse de 340 mètres par seconde. Nous allons voir que, grâce aux nouveaux téléphones, il deviendra possible de correspondre avec une bien plus grande rapidité, puisqu’ils utilisent comme transmetteur le fluide électrique, dont la vitesse est pour ainsi dire infinie par rapport à celle du son dans l’air.

Il y a deux ans à peine qu’un jouet d’enfant qui n’a peut-être pas produit l’étonnement qu’il méritait s’est répandu dans Paris. Deux petits cornets, dont le fond était constitué par une membrane de peau ou de parchemin, étaient réunis entre eux par un cordon de 7 à 8 mètres de longueur, les extrémités de ce cordon étant fixées aux centres respectifs de chacune des membranes. Une personne parlant à voix basse, chuchotant même dans l’un des cornets, pouvait se faire entendre très distinctement d’une autre personne tenant le second cornet appliqué contre son oreille. La seule condition indispensable à la réussite de cette expérience consiste à soumettre le cordon qui réunit les deux interlocuteurs à une certaine tension et de lui éviter le contact d’un support quelconque. C’est à coup sûr le meilleur et le plus fidèle des téléphones, mais on comprend facilement ce qui l’empêche de devenir pratique. Puisqu’en effet le fil doit se supporter lui-même et ne rien toucher sur son parcours, la transmission ne doit se faire qu’en ligne droite ; de plus, la tension du fil ne peut dépasser une certaine limite, sans quoi les membranes ne seraient plus susceptibles de vibrer ; mais, si le fil est très long, son propre poids finira par produire cette tension trop forte, et par conséquent empêchera l’appareil de donner aucun bon résultat.

Pour concevoir comment fonctionne ce télégraphe acoustique, il suffit de remarquer que, sitôt qu’un son est émis dans l’un des cornets, la membrane de ce cornet entre aussitôt en vibration, et le fil solidaire de cette membrane est dès lors amené à vibrer lui-même