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droit d’avoir une opinion dans les délibérations du conseil. La question pour le cabinet est d’intéresser M. le président de la république lui-même au succès d’une entreprise où il doit rester désormais l’homme du pays, non d’un parti. Que le ministère ne craigne donc pas d’agir avec une fermeté mesurée, avec suite, sans se hâter, mais sans s’arrêter, et en conciliant ce qui n’est pas inconciliable. À vrai dire, il s’est déjà mis à l’œuvre par ses instructions, par ses circulaires. Il n’a point hésité à renouveler l’administration des départemens ; il a eu en même temps à pourvoir à quelques grandes fonctions publiques, et certes un de ses actes les plus heureux est celui par lequel il vient d’élever M. le procureur-général Petitjean à la première présidence de la cour des comptes, que la mort de M. de Royer a laissée vacante. M. Petitjean a été un des nôtres, il ne nous en voudrait pas de le revendiquer. Il a écrit à cette place même, dans un autre temps, il y a bien des années, et depuis, dans la longue carrière qu’il a parcourue à la cour des comptes, il est resté toujours l’homme des traditions parlementaires, de la haute et sévère rectitude qui fait l’honneur de ce grand corps gardien de la probité financière. La nomination du nouveau premier président de la cour des comptes a l’avantage d’être le prix de sérieux services, de répondre à toutes les convenances de hiérarchie et de rester dans l’esprit des institutions. M. Petitjean est lui-même remplacé comme procureur-général par un sénateur républicain de Toulouse, M. Humbert, professeur de droit, jurisconsulte estimé. Rien de mieux ; c’est la réalisation impartiale et intelligente de ces aimables et rassurantes paroles que M. le ministre de l’instruction publique prononçait récemment à son conseil-général de Clermont, qu’il prenait pour mot d’ordre : « Notre république parlementaire est comme la France, généreuse et ouverte à tous ; elle n’exclut aucune bonne volonté… Elle a pour but de pacifier et d’élever, d’apprendre le culte de la légalité, le respect des uns pour les autres. » Le gouvernement ne peut certes mieux faire que de s’inspirer de ces paroles dans ses choix comme dans ses actes, procédant sans exclusion et sans complaisance de parti, prenant l’initiative des réparations nécessaires sans esprit de représaille et de réaction. C’est une politique digne de réussir, faite pour tenter des hommes qui se proposent de montrer à tous que, s’il y a une république désavouée par le sentiment national, il y a aussi une république libérale et protectrice qui peut devenir un régime sérieux et durable.

Oui, sans doute, c’est ainsi. Le ministère est bien intentionné ; il a fait la paix entre les pouvoirs, et cette paix a été scellée, avant la séparation récente et momentanée des chambres, par le vote de deux douzièmes provisoires, qui a délivré le pays de ce cauchemar d’un refus du budget. On nomme des préfets, des sous-préfets et des juges de paix, on écrit des circulaires réparatrices, on tâche d’effacer un passé de combat ! M. Bardoux offre le grand cordon de la Légion d’honneur