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moderne éparpillé où ils ont aujourd’hui, je l’ai dit, au milieu des tirailleurs, un rôle capital de direction et d’encouragement, ils aient l’impedimentum du fusil et tiraillent eux-mêmes, c’est un contre-sens militaire qui s’ajoute à beaucoup d’autres que le temps et l’expérience révéleront dans la nouvelle organisation.de l’armée, Les sous-officiers commandent là, dans une crise redoutable, sous le feu le plus vif, le plus rapproché, le plus assourdissant, un petit groupe d’hommes qui combattent à la portée de leurs yeux et de leurs voix. Par des efforts incessans d’activité, ils vont de l’un à l’autre, dirigeant leur feu, leur montrant les abris (troncs d’arbres, fossés, monticules, etc,) où ils peuvent trouver la sécurité relative à laquelle ils devront la faculté de réflexion qui leur permettra d’ajuster[1]. En un mot, — un mot de soldat, — ils embusquent leurs hommes. Et quand l’heure est venue de marcher en avant, ou à droite, ou à gauche, il faut arracher les tirailleurs à ces abris, entreprise qui n’est pas aussi simple qu’on croit et qui exige de la part du cadre un redoublement d’énergie.

Voilà l’esquisse, à grands traits, du combat d’à présent. Et les hommes qui ont la mission de le conduire y entreraient par l’action personnelle ! Ils s’embusqueraient eux aussi, chargeant leurs armes, faisant le coup de feu, abandonnant enfin l’effort de direction pour l’effort d’exécution ! Je crois avoir démontré que les sous-officiers, à la guerre, ne doivent pas plus que les officiers être armés du fusil. L’épée avec le revolver, voilà les en-cas dont ils doivent être pourvus, à titre d’armes exclusivement destinées à la défense personnelle.

Je n’irai pas plus loin dans cette discussion. J’affirme de nouveau que ces questions d’organisation intérieure (logement, régime de table, habillement, armement) ont aux yeux de nos jeunes sous-officiers une importance égale, peut-être supérieure, aux droits d’état dont, avec plus de zèle patriotique que d’expérience compétente, on voudrait les doter. Ils ne cesseront d’être des hommes de troupe, dénomination sous laquelle la tradition française les confond avec les caporaux, les brigadiers et les soldats, leur individualité ne sera reconnue dans le régiment et ils n’y croiront eux-mêmes, que lorsque les modestes, mais nécessaires et enviés privilèges que j’ai énumérés dans cette deuxième partie, leur seront acquis.

En considérant l’ensemble des propositions que j’ai faites pour résoudre la question des sous-officiers, on voit que je l’ai d’abord

  1. Sous le feu meurtrier des premières lignes, les tirailleurs, exposés en plein corps, sont agités par des émotions qui leur permettent rarement d’ajuster. Ils tirent devant eux, à coups perdus, quelques-uns si précipitamment qu’ils ne prennent pas le temps d’épauler la nouvelle arme, qui a peu de recul.