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une profession nouvelle, et, par une exception bienveillante, elle leur concède à cet âge le bénéfice d’une pension viagère que les officiers n’obtiennent qu’au seuil de la vieillesse. Enfin elle se charge conditionnellement de leur trouver cette profession nouvelle et de leur en ouvrir l’accès. De cette différence considérable dans les obligations et dans les mérites dérive une différence corrélative dans les droits et dans la garantie des droits. L’équité le veut, la discipline le veut aussi, et j’exprime ici le sentiment fondé sur l’expérience, convaincu par conséquent que les sous-officiers doivent être tenus, vis-à-vis du chef de corps, dans une dépendance beaucoup plus étroite que les officiers. Une loi sur l’état des sous-officiers qui négligerait d’assurer à leurs intérêts moraux et matériels, entendus comme je l’ai dit, les amples satisfactions que la situation réclame, qui s’ingénierait au contraire à leur créer de nouveaux droits d’état, offrant quelque analogie par exemple avec ceux qui garantissent aux officiers la propriété de leur grade, manquerait doublement le but.

D’une part, les sous-officiers n’ont aucun souci de ces droits, car, servant pour un temps limité, ils ne sentent pas le besoin d’être protégés contre l’arbitraire, auquel ils peuvent toujours échapper en s’en allant, et qui n’existe d’ailleurs à aucun degré dans nos régimens, où il n’est au contraire sorte d’efforts de séduction qu’on ne fasse pour les retenir. Par conséquent, cette concession de droits d’état ne suffirait pas à réveiller leur tiédeur pour le rengagement. D’autre part, l’excès malentendu de ces droits ne manquerait pas d’exagérer dans l’esprit de beaucoup de sous-officiers le sentiment de leur importance, de leur suggérer des prétentions, de les rendre par conséquent moins maniables devant leurs officiers et devant le chef de corps. Or il est d’intérêt disciplinaire supérieur de conserver à ceux-ci sur les destinées du cadre immédiatement en contact avec les troupes qu’ils commandent, par conséquent sur ce cadre lui-même, une autorité permanente, immédiate, absolument indiscutée.

J’énumère ci-après les garanties d’état dont il serait, à mon avis, nécessaire et suffisant d’entourer la carrière des sous-officiers :

1° Un registre du personnel des sous-officiers, semblable au registre du personnel des officiers, et soumis au même contrôle, serait tenu dans tous les corps de troupes et dans tous les établissemens militaires. Il renfermerait, successivement inscrites et nominativement détaillées, toutes les indications propres à faire connaître leurs mérites et leurs démérites avec leurs aptitudes. Ce registre serait l’un des principaux élémens d’information pour servir à la confection des tableaux d’avancement et des listes d’aptitude aux emplois civils conditionnellement réservés aux sous-officiers libérés.