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et l’accusateur de ses compatriotes devant la commission d’enquête, revenait au Cap investi du titre de lieutenant-gouverneur avec mission de rétablir la concorde, de veiller à ce que les Cafres ne fussent plus molestés par les fermiers de descendance européenne. Le mécontentement qu’en éprouvèrent les boers fut l’une des causes déterminantes de l’exode auquel beaucoup d’entre eux se résolurent vers cette époque, comme on le verra plus loin. Le lieutenant-gouverneur, accueilli avec défiance, s’efforça de mieux régler les rapports quotidiens entre les deux races ennemies. Au lieu de traiter les Cafres en sauvages, il abolit le système des représailles, il conclut des conventions avec leurs chefs, qui furent dorénavant responsables des méfaits commis par des individus isolés. Des agens diplomatiques domiciliés au milieu des indigènes devinrent les interprètes nécessaires des réclamations formées par les colons. En même temps, tout Européen était déclaré justiciable des tribunaux en deçà du 25e degré de latitude. C’était reporter bien loin vers le nord la limite idéale des établissemens anglais et introduire prématurément les formes de la vie civilisée dans une région qui n’avait connu jusqu’alors que la loi du plus fort.

Le gouverneur, sir B. Durban, revint en Europe, ne voulant pas se rendre complice d’une politique qui lui paraissait pleine d’illusions. Son successeur, sir George Napier, se trouva fort embarrassé entre les fermiers, qui se prétendaient sacrifiés, et les Cafres, qui demandaient la restitution des territoires qu’on leur avait enlevés. D’ailleurs les boers ne pardonnaient pas à M. Stockenstrom de s’être prononcé contre eux. Cette hostilité devint telle qu’il dut se retirer encore une fois. Comme dédommagement de cette révocation nécessaire, il recevait le titre de baronnet. Le gouvernement britannique se plaît à conférer cette distinction très enviée aux membres les plus distingués de la grande famille coloniale ; c’est un lien qui les rattache, eux et leurs descendans, à la mère patrie.

Les traités conclus avec les Cafres par sir Andries Stockenstrom ne restèrent pas longtemps en vigueur. A peine était-il parti que les indigènes reprenaient leurs habitudes de maraude. En 1846, une seconde guerre éclata. Elle eut pour conséquence l’annexion aux possessions britanniques d’une large bande de terrain désignée depuis sous le nom de Cafrerie britannique. Mais la leçon ne suffit pas. Les fermiers victimes de cette invasion des indigènes venaient de rentrer dans leurs domaines lorsqu’un nouveau soulèvement se produisit en 1850. Cette fois les boers furent invités à se mettre en campagne dans les conditions admises pour les commandos de l’ancien temps : le gouverneur leur promettait de partager entre eux le butin capturé sur l’ennemi. Ce n’était pas un appât