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exécutés afin de mettre le Cap à l’abri d’un coup de main. Toutefois cette occupation n’était que transitoire. La paix d’Amiens restitua la colonie aux Hollandais. Ce fut pour peu de temps. Dès 1806, les Anglais revenaient avec une flotte à laquelle il était impossible de résister. Depuis cette époque, le Cap n’a cessé d’être une colonie britannique.

L’administration anglaise eut pour premier souci de se mettre en état de défense, puis d’assurer aux fermiers la paix et la prospérité. La garnison était nombreuse, les dépenses militaires étaient considérables ; les districts du littoral où vivait la majeure partie de la population blanche en profitèrent. Au-delà des montagnes qui bordent l’horizon, les boers sentirent aussi l’influence d’un gouvernement plus actif. Des cours de justice ambulantes parcoururent le pays, des bureaux de poste furent établis, des colonnes mobiles inspirèrent à tout le monde, hommes blancs ou indigènes, le respect de l’autorité. Le grand mal était qu’une population si dispersée, presque nomade, ne pouvait recevoir les bienfaits de l’instruction. Dans le district de Graaff-Reinet, qui faisait limite en ce temps, sur 3,400 enfans on n’en comptait que 160 vivant à portée des écoles ; les enfans étaient nombreux sur ces frontières ; il n’était pas rare d’en trouver douze et plus dans une famille. Au reste, il y avait tant de terres vacantes qu’un excès d’habitans n’était pas à craindre. Aussi le gouvernement attirait-il les étrangers. Justement à l’issue des grandes guerres de l’empire, les gens aventureux se mirent à la recherche de nouvelles entreprises ; 4,000 Anglais ou Écossais débarquèrent en 1820. Cette émigration modifiait le vieux fond hollandais dans un sens favorable au maintien de la domination britannique. Il est vrai que l’Anglais emporte au bout du monde ses mœurs, ses coutumes, et qu’il ne se soumet pas de bon cœur au gouvernement despotique par lequel la colonie du Cap était alors régie. On ne s’étonnera pas que des difficultés se soient bientôt produites.

Au nord du cap de Bonne-Espérance, le sol est peu fertile, la contrée presque déserte ; les boers n’allaient guère de ce côté, ou s’ils s’y avançaient, les indigènes leur opposaient peu de résistance. Vers l’est au contraire, les Européens, attirés par la bonne qualité des terres, s’étaient étendus peu à peu jusqu’à plus de 600 milles de Cape-Town. Les villes frontières de Graaff-Reinet et de Graham’s-Town étaient environnées par les Cafres, tribus belliqueuses, remuantes, dont le voisinage était une menace perpétuelle. Le pire est que la politique du gouvernement anglais à l’égard de ces natifs variait sans cesse. Tantôt on permettait aux Européens et aux Cafres de se réunir dans des foires où le bétail s’échangeait contre les menus produits de nos manufactures ; tantôt on remettait