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appartient aux Anglais ou s’est soumis à leur influence. Seul, le Portugal conserve au nord-est, dans la baie de Lagoa, un petit port de médiocre importance.

Dans cet espace qui est bien quatre ou cinq fois grand comme la France vivent environ 400,000 blancs, dont un tiers au plus d’origine anglaise, et 2 millions 1/2 ou 3 millions d’indigènes : ainsi les Anglais sont en minorité. Ce n’est point par l’émigration directe qu’ils ont acquis cette possession ; c’est plutôt, comme on verra, par la conquête pacifique ou militaire. Quant aux indigènes si nombreux, ils se partagent entre plusieurs races bien distinctes : les Cafres et les Zoulous, belliqueux, intelligens, chevaleresques même, qui ont, croit-on, du sang arabe dans les veines, — les Basoutos et les Bechuanas, qui, sans doute de moins noble origine, sont tout à la fois moins redoutables à la guerre et moins aptes à recevoir la civilisation, — les Griquas, issus des alliances accidentelles entre les Hollandais et leurs esclaves de couleur, — les Hottentots et les Bushmen, pauvres êtres dégradés qui disparaissent peu à peu, n’ayant ni la force physique ni les qualités morales de leurs voisins ; enfin quelques nègres amenés de l’Afrique centrale par les marchands d’esclaves, des Malais, des Hindous, attirés par l’appât des salaires. Le point capital à observer est la disproportion énorme entre les blancs et les hommes de couleur. Ces derniers, s’ils étaient unis et résolus, n’auraient pas de peine à écraser les Européens. Les colons vivent constamment sous cette menace ; ils ont su se conduire en conséquence, ce qui prouve en faveur de leur habileté[1].


I. — LES DEBUTS D’UNE COLONIE.

Il existait en Hollande au XVIIe siècle, de même que chez toutes les nations maritimes de l’Europe, une compagnie des Indes. Un chirurgien de cette compagnie, Jan Anthony van Riebeck, reçut mission en 1652 de créer au cap de Bonne-Espérance une station de relâche, afin que les navires venant d’Asie ou s’y rendant pussent s’approvisionner de vivres frais et recevoir des secours en cas de besoin. Riebeck débarqua dans la baie de la Table avec une centaine d’employés ou de soldats ; quelques-uns de ses compagnons entreprirent tout de suite de cultiver la terre. Comme leur travail fut productif, d’autres se hâtèrent de les imiter. Toutefois le

  1. Les événemens graves dont l’Afrique australe a été récemment le théâtre ont appelé l’attention sur cette colonie. Sans compter les feuilles quotidiennes, presque tous les recueils périodiques de l’Angleterre s’en sont occupés en ces derniers mois. Citons surtout les articles de tendances diverses insérés dans la Quarterly Review, l’Edinburgh Review, le Nineteenth Century.