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pourquoi en vouloir mettre une autre à sa place ? Cette cérémonie de la Sorbonne n’est qu’une bien faible et imparfaite image, une contrefaçon en quelque sorte de ces séances publiques où l’Institut décerne ses couronnes. Aussi les savans sérieux deviennent-ils de plus en plus rares au sein de cette foule mélangée qu’attirent chaque année à la Sorbonne les vacances de Pâques et les prix réduits des chemins de fer, non moins que l’amour de la science. Comment se fait-il que, parmi les nombreux ministres qui ont succédé à M. Rouland et dont plusieurs appartenaient à l’Institut, il ne s’en soit pas encore rencontré un seul qui ait compris qu’il fallait remettre le soin de couronner les savans à la seule autorité légitime et souveraine, comme a si bien dit M. Rouland ? Nous venons de voir ce qu’a tenté le gouvernement pour relier les sociétés savantes des départemens, voyons maintenant ce qui est l’œuvre de simples particuliers.

En dehors de l’Institut, en dehors du ministère, et plus ou moins en opposition avec lui, un homme qui s’est fait un nom justement célèbre dans les études archéologiques, M. de Caumont, fondait en 1833 les congrès scientifiques, puis, quelques années plus tard, l’Institut des provinces, dans ce même dessein de relier entre elles les sociétés savantes des départemens et aussi avec une pensée de décentralisation. Organisé au Mans, en 1859, avec les membres les plus marquans et les plus zélés, avec l’état-major, pour ainsi dire, des congrès, l’Institut des provinces devait en être la compagnie régulatrice ; il était destiné, suivant les expressions de M. de Caumont, à être l’âme et la vie du mouvement académique de la France et des départemens. Non-seulement M. de Caumont en a été le fondateur, mais le directeur suprême et l’infatigable soutien pendant quarante ans. L’organisation, la mise en mouvement de cette machine compliquée des congrès, de l’Institut des provinces, des assises scientifiques, a été l’œuvre de sa vie entière ; il y a mis toutes ses forces, une partie de sa fortune et l’autorité que lui donnaient une haute position et un grand savoir. Sa mort, quels que soient ses successeurs, nous semble une perte irréparable pour l’Institut des provinces, même sans nulle autre cause de décadence. Il ne pourra d’ailleurs garder encore longtemps ce nom usurpé d’institut qu’aucune société savante, hors le véritable Institut, n’a le droit de prendre d’après la loi du 11 floréal an X.

Il nous est cependant impossible de ne pas parler avec quelque sympathie de tant d’efforts pour un noble but et d’une association qui, bien que défectueuse, subsiste déjà depuis un certain nombre d’années, sans aucun secours de l’état, chose rare en France, par ses propres ressources et par l’initiative de simples particuliers. Nous estimons d’ailleurs que cette sorte d’agitation littéraire et