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par une culture appropriée. Faisons à ces cliniques une large place. L’exemple nous est donné par les universités étrangères. C’est par l’importance qu’elles attachent à l’enseignement des spécialités que ces universités ont acquis une part, et souvent la meilleure, de leur renommée. Les soins donnés à cet enseignement ont déterminé chez elles un courant d’élèves étrangers qui autrefois ne connaissaient que le chemin de nos facultés. D’honorables scrupules ne doivent plus nous arrêter, d’autant plus que l’on peut donner à ces scrupules une satisfaction légitime sans compromettre, mais au contraire en relevant l’enseignement des spécialités et en le rendant pleinement digne d’appartenir à une faculté.

A cet effet, on réservera la charge des enseignemens cliniques spéciaux à ceux qui ont déjà fait preuve d’une instruction encyclopédique complète et forte ; tels sont d’abord les agrégés de nos facultés, tells encore les médecins et chirurgiens des hôpitaux de Paris. Les uns et les autres sont nommés après de longs et vaillans concours, portant sur la médecine et la chirurgie considérées dans leur ensemble. Ceux qui ont traversé ces concours avec succès sont armés de toutes pièces ; ils connaissent et la science générale et les spécialités scientifiques. Si, après avoir conquis un tel titre, quelques-uns s’adonnent à la culture scientifique et pratique de telle ou telle spécialité, on peut être assuré qu’ils sauront voir et comprendre cette spécialité dans ses rapports avec l’ensemble, qu’ils ne se livreront pas à une fragmentation absolue et fausse de la science et de l’art, et qu’ils sauront garder à un enseignement spécial ce caractère supérieur que donnent seules les connaissances générales. Nos maîtres en spécialités éviteront ainsi cet esprit étroit, ces tendances fâcheuses que l’on rencontre dans beaucoup d’universités étrangères. Les enseignemens cliniques spéciaux y sont confiés souvent à des médecins qui ne connaissent que la spécialité qu’ils cultivent, et qui même s’absorbent tout entiers dans l’étude indéfinie d’un point limité, et spécial même dans la spécialité. On perd à cette façon de comprendre et de pratiquer les spécialités toute aptitude, tout esprit scientifique. Un tel danger ne sera jamais a redouter parmi nous.

Le besoin d’organiser dans nos facultés les enseignemens cliniques spéciaux avait frappé depuis quelques années beaucoup de bons esprits. Déjà Rayer, durant son décanat, avait tenté cette organisation ; mais il n’avait pas donné à son œuvre les conditions voulues pour durer. Il avait institué des cours cliniques complémentaires destinés aux agrégés libres, sans s’assurer qu’il pourrait toujours attribuer à ces agrégés les services cliniques, sans lesquels cet enseignement est impossible. Rayer n’avait donc pu faire que des attributions temporaires et dont rien ne garantissait le