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sécrétions, du sang et des tissus altérés par la maladie. Toutefois, même avec ce complément précieux d’observation, les cliniques générales ne suffisent pas à donner tout l’enseignement clinique. A côté d’elles, il faut placer des cliniques spéciales, dont l’importance est devenue telle aujourd’hui qu’une faculté de médecine où les enseignemens cliniques spéciaux sont dédaignés est condamnée à un état d’infériorité fatale. Cet état d’infériorité, il faut le dire, la faculté de Paris ne l’a que trop subi. Les spécialités médicales ont été jusqu’en ces derniers temps repoussées de son enseignement, à l’instigation de ses plus illustres membres. Ceux-ci déclaraient que l’enseignement encyclopédique a seul un caractère scientifique, et doit seul être reconnu. Cet enseignement encyclopédique comprend en lui les enseignemens spéciaux, et il peut les fournir avec une autorité et une pleine connaissance des choses, que le représentant des pures spécialités ne saurait posséder. La science vit de rapports, et celui qui n’a pas la vue de l’ensemble connaît mal les parties. Le spécialiste, cantonné dans sa petite région, n’a qu’une observation limitée et imparfaite. Il ne faut pas compromettre les fortes éducations médicales et chirurgicales qui sont l’honneur de la faculté de Paris ; elles faibliraient, si on les délaissait pour s’adonner à des études absolument spécialisées, et si ces études prenaient pied dans l’enseignement de la faculté.

On ne saurait méconnaître le caractère élevé de ces raisons toutes françaises, et à la rigueur elles pouvaient être acceptées il y a trente ans. Les spécialités étaient alors si réduites, comme science et comme art, que l’on était en droit de les rattacher à la clinique générale. En quelques leçons, on prétendait exposer aux élèves les sujets de clinique et de thérapeutique spéciales. Déjà cependant l’insuffisance d’un tel enseignement était signalée. Aujourd’hui elle éclate aux yeux de tous. L’étude des spécialités a acquis en effet un développement et un caractère scientifique qui les ont singulièrement relevées. Ce développement, une technique propre et toute nouvelle, très délicate et très complexe, rendent désormais impossible l’enseignement complet des spécialités dans les cliniques générales. Celles-ci ont peine à suffire à l’enseignement général qui leur incombe ; elles ne peuvent se consacrer à un enseignement spécial qui exige beaucoup de temps et un aménagement pratique tout particulier. D’ailleurs on ne devient habile et grand connaisseur en fait de maladies spéciales qu’à la condition d’en voir sans cesse ; on ne manie en maître toute l’instrumentation que l’observation et la thérapeutique de ces maladies mettent en œuvre qu’à la condition de la manier tous les jours. Dédaigner les cliniques spéciales, ce serait sacrifier l’instruction pratique des élèves, sacrifier même une part de la science et renoncer à la faire fructifier