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être vivant ne donne l’idée de ce type, est loin de l’idéal qu’on s’en fait. Dans les premières estampes, c’est un enfant débile et chétif, à la physionomie sans charme et sans accent. Dans les autres, c’est un être androgyne qui n’a ni la grâce de la femme ni la puissance de l’homme. La figure du Pharaon accuse la même indécision dans le type. Ce jeune homme, coiffé de l’épervier d’Isis, ne représente pas ce souverain tout-puissant de l’Écriture qui dit : « Je suis Pharaon. Nul ne remue ni le pied ni la main dans toute l’Egypte que par mon commandement. » Il n’a pas la majesté d’un roi qui a le pouvoir d’un dieu. Quand il reçoit Jacob amené par Joseph, nous voudrions que l’audience eût un décor plus vaste que cette étroite galerie à jour, et que le roi eût une suite et une garde moins pauvre que cette unique sentinelle postée sur les marches du trône. Nous aimerions aussi plus d’animation dans le repas donné à ses frères par Joseph. Cela rappelle trop l’époque des sept vaches maigres; on dirait un banquet funèbre dans les chambres sépulcrales des pyramides. La planche qui représente la caravane des Chananéens arrêtée dans la cour d’un caravansérail est plus animée et plus pittoresque; mais cette architecture, avec ses fenêtres grillées et ses murs blancs à la Decamps, est d’un caractère bien moderne pour l’époque de la XVIIe dynastie. A côté de ces quelques estampes qui appellent la critique, d’autres la défient. Joseph vendu est un vrai tableau, composé de trois groupes distincts habilement reliés l’un à l’autre. Au premier plan, des marchands ismaélites, accroupis au bord du puits, comptent aux frères de Joseph les vingt pièces d’argent. Au second plan, mais au centre de la composition, deux Arabes entraînent Joseph, tandis qu’à droite, sur un tertre, on égorge le chevreau dont le sang teindra la robe de l’enfant. La Mort du vieux Jacob, interprétée par la pointe de M. La Guillermie avec un effet de clair-obscur à la Rembrandt, est un miracle de couleur. On louera aussi l’Arrestation de Benjamin et Joseph se faisant reconnaître à ses frères, M. Bida ne compose pas moins bien le paysage que l’histoire. La nature syrienne lui est familière, et nul n’en rend mieux au crayon le caractère d’immensité et de désolation. Voyez ce cortège funèbre qui va porter au pays de Chanaan le corps de Jacob mort en terre idolâtre. La longue caravane gravit une colline escarpée qui estompe sur le ciel ses arêtes indécises. Le sol est aride, pelé, semé seulement de quelques maigres taches de verdure. Pour ceux qui ont parcouru ces contrées, c’est un vivant souvenir. M. Edmond Hédouin a merveilleusement interprété M. Bida dans un autre paysage où se rencontrent Jacob et son fils, devenu premier ministre du roi d’Egypte. C’est un site rocailleux et désolé. Une ligne de collines à pic qui ferme l’horizon à gauche s’abaisse vers la droite et découvre une mer de sable ondulant à perte de vue sous un ciel lumineux. Nous ne croyions pas l’eau-forte susceptible de donner