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gravure ? Quelle savante dissertation en apprendra autant sur la forme d’une patère antique que la seule figure de cette patère ?


I.

Le livre illustré n’a pas seulement pour lui l’agrément et l’utilité, il a aussi l’ancienneté. Déjà dans l’antiquité gréco-latine, les manuscrits (rouleaux ou livres) étaient parfois illustrés. Martial parle d’un exemplaire de Virgile avec son portrait sur le premier feuillet :

Ipsius vultus prima tabolla gerit,


et Pline cite un livre de Varron où il y avait sept cents portraits. Dès les premiers siècles de notre ère de nombreux manuscrits sont ornés de miniatures, genre d’illustration qui vaut bien la chromolithographie de 1877. Il est célèbre ce Virgile de la bibliothèque vaticane, dont les miniatures, d’un si pur caractère antique qu’elles semblent des bas-reliefs romains transportés sur vélin, sont sans cesse reproduites, — secours sans pareil pour l’intelligence des usages des anciens, — dans tous les dictionnaires d’antiquités. Au VIe et au VIIe siècle, les miniatures à sujets deviennent plus rares ; l’illustration prend une autre forme : bordures de formes architectoniques et lettres initiales capricieusement enjolivées. Vers la fin du VIIIe siècle la miniature reparaît. On voit dans l’Évangéliaire de Charlemagne d’importantes miniatures qui ont la naïveté, la simplicité et le grand style des peintures des catacombes. Du IXe et du Xe siècle on a de beaux manuscrits illustrés, la Bible dite de Metz, les Commentaires de saint Grégoire de Naziance, les Commentaires de saint Jérôme avec de curieuses figures très largement dessinées à la plume, enfin le Térence de la Bibliothèque nationale, dont les miniatures rappellent, par une certaine souplesse dans les attitudes et une certaine légèreté dans la manière, les peintures d’Herculanum. Mais les baroques lettres initiales du Rouleau mortuaire de saint Vital, manuscrit du XIIe siècle, montrent que les miniaturistes ont désormais abandonné les traditions de l’art antique. En peinture comme en architecture, la révolution s’accomplit : le gothique succède au roman. Ce ne sont plus que choses étranges, figures grêles, animaux fantastiques, torses sans relief et sans modelé, plaqués sur fond d’or, draperies à plis de bois, lointains sans perspective, couleurs crues, mais éclatantes. Au XIIIe siècle, les miniatures abondent ; elles sont innombrables dans le Bréviaire de saint Louis, dans le Psautier de Blanche de Castille ; on n’en compte pas moins de cent quatre-vingt-seize dans le Psautier de la Bibliothèque nationale. Au XIVe et au XVe siècle la miniature envahit tout : missels, livres d’heures, bréviaires, évangéliaires,