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conjurées en quelque sorte, non pas seulement pour la ruine d’une littérature, mais encore pour la décadence d’un grand peuple, il semblera qu’elles suffisent et qu’elles expliquent assez bien la pauvreté littéraire du consulat et de l’empire. Il est inutile, et même il serait plaisant, s’il n’était injuste, de rendre l’empereur responsable des inspirations malheureuses de Marie-Joseph Chénier ou de Népomucène Lemercier. Je conviens qu’un trait de satire fait bien dans le discours et qu’il relève agréablement la monotonie d’une étude sur la littérature de l’époque impériale; cependant je ne croirai jamais qu’en faisant de M. de Fontanes un grand maître de l’Université, l’empereur ait fait éprouver aux lettres une perte cruelle, et je suis certain que Fontanes a trouvé qu’il y gagnait. Il y aurait lieu plutôt de s’étonner que dans les œuvres si nombreuses, mais pour la plupart si médiocres de cette période, on puisse distinguer et noter déjà tant de gages d’avenir et tant de promesses d’une renaissance prochaine. Ce serait une erreur, en effet, que de se représenter la plupart des écrivains d’alors, poètes et prosateurs, comme d’étroits, comme de serviles imitateurs du passé. Sans doute les apparences plaident contre eux. Chanter l’Enfance d’Achille, chanter Philippe-Auguste ou Charlemagne à Pavie, cela est vieux comme de chanter la Pucelle. Il semble qu’il y ait des siècles que Luce de Lancival et Parseval-Grandmaison, comme Chapelain lui-même, sont relégués dans la foule obscure de ces auteurs que tout le monde nomme et que personne n’a lus. De même au théâtre, ce sont encore, ce sont toujours des Grecs et des Romains, comme si la faveur leur était revenue de plus belle depuis que Talma les joue sous le costume antique : voici des Agamemnon et des Hector, des Tibère et des Cincinnatus, et de beaux jours leur sont encore réservés, car la Sylla de M. de Jouy sera l’un des succès littéraires de la restauration. Dans la comédie, ce sont les Andrieux, les Collin d’Harleville et les Etienne, aimables écrivains dont les noms, tout pâlis qu’ils soient, ne réveillent du moins que des souvenirs aimables, auxquels il n’a manqué pour demeurer à la scène que la force comique, et pour vivre à la lecture que d’écrire, si j’ose le dire, moins correctement.

Regardez-y cependant de plus près : ne feuilletez pas seulement, lisez leur consciencieux et spirituel historien. C’est ici le dédommagement, c’est la généreuse revanche que M. Merlet a prise de la fatigue, sinon de l’ennui, qu’il a dû lui en coûter pour les lire. Ces rhapsodes, qui rêvent de donner une épopée à la France, vont découvrir le moyen âge et venger des dédains de la littérature classique la Chanson de geste et le roman de la Table-Ronde. C’est un préfet de l’empire, infatigable versificateur, le baron Creuzé de Lesser, qui, dans les intervalles de repos que lui