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Avec Brauwer, nous ne sortirons plus guère des mauvais lieux, ni des compagnies équivoques. Son opérateur de village s’apprête à travailler le bras d’un rustre assis devant lui. Le cas est grave, paraît-il, et le praticien avec ses lèvres pincées n’a pas une mine très rassurante. Ce fer qui chauffe, cette fiole mystérieuse, l’air décidé du bourreau, tout cela intimide fort la victime. Aussi le pauvre diable crie-t-il par avance et de son mieux; avec une grimace horrible, il ferme un œil, comme pour éviter de voir cette pharmacie primitive dont il lui faudra subir l’épreuve.

Après Brauwer, il conviendrait aussi de parler de Gérard Dow; mais on a eu la mauvaise pensée de le rapprocher de Rembrandt, son maître, et vous jugez s’il résiste à un pareil voisinage. La réunion des seize tableaux qu’il a au musée de Munich ne lui est pas non plus très favorable. Elle révèle clairement la monotonie de sa manière, sa façon minutieuse de préciser, de souligner également toutes choses, la vulgarité de ses compositions, la maigreur d’un travail dont le fini est, pour ainsi dire, tout à la surface; c’est l’œuvre d’un calligraphe et non d’un écrivain, d’un finisseur et non d’un peintre. On pressent déjà les froides imitations de Mieris et les molles fadeurs de ce chevalier van der Werff, qui n’a pas moins de vingt-huit tableaux à la Pinacothèque. Il nous est bien difficile aujourd’hui de comprendre l’enthousiasme qu’a pu provoquer en son temps cette peinture, et l’engouement qu’avait pour elle l’électeur de Bavière, Jean-Guillaume, jaloux d’accaparer le talent de l’artiste. On ne saurait imaginer l’effet produit par la réunion de ces plates compositions où s’étalent des carnations d’ivoire, des gestes ronds et prétentieux, un travail propre, mince, fondu, lisse et luisant, tout à fait en rapport avec l’afféterie des idées et l’absence complète de caractère. C’est la grâce mignarde et pédante d’un bel esprit qui se complaît à toutes les pauvretés, à toutes les plates conventions du genre noble.

Voilà où en était, soixante ans après son éclosion, cette école hollandaise qu’avaient illustrée le génie ou le talent exquis de tant de maîtres. Heureusement, avant de la quitter, il nous reste à parler encore de ses paysagistes, et nous avons hâte, en nous sauvant aux champs, de goûter des impressions plus saines, et de respirer avec eux un air plus pur.


IV.

Eux aussi, ces vrais créateurs du paysage, ils sont ici au complet, et, à raison de la valeur et du nombre de leurs ouvrages, ils mériteraient une étude spéciale et détaillée. Avec eux apparaît en