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Mais venons aux peintures : voici d’abord Van Dyck lui-même dans sa première jeunesse : un teint rose, un visage gracieux, encore imberbe, un peu efféminé, de grands cheveux d’un blond ardent, des doigts longs, effilés, adroits; au cou, une chaîne d’or jetée négligemment sur le vêtement noir. Un air d’enfant gâté qui sourit à toutes les séductions de la vie, mais qui ne saura guère se défendre contre elles. A côté, ce sont des grands seigneurs comme le duc de Neubourg, semblable de tout point à la grisaille que nous avons signalée, et le duc Alexandre de Croï avec sa femme. Puis des artistes : F. Snyders, le camarade d’atelier et l’ami du peintre; Liberti, l’organiste; le sculpteur Collyns de Nole et sa femme avec sa petite fille ; la tête fine, un peu arrogante d’un peintre de batailles assez médiocre, Snayers, autre élève de Rubens; puis encore deux bonnes vieilles gens, de visage honnête et placide, le peintre Jean de Weil et sa femme.

Avec des qualités diverses, ce sont là des portraits excellens, comme Van Dyck en a tant peints; ce ne sont pas encore des chefs-d’œuvre. Le portrait de Ch. Malery, le graveur, avec sa large figure bien coiffée de cheveux grisonnans et ses yeux un peu voilés d’une expression si singulière, est déjà de qualité plus rare; le maître est là tout entier. Mais nous avons ici deux œuvres supérieures encore, belles entre toutes, et qu’il faudrait emprunter au musée de Munich si l’on avait à former une collection des chefs-d’œuvre qu’a produits la peinture. C’est un admirable couple que ce bourgmestre d’Anvers et sa femme, tous deux en pied, habillés de noir, avenans, bien pris, pleins d’élégance et de distinction. L’homme avec son loyal et ferme regard, son front découvert et sa physionomie intelligente, est debout et montre du doigt sa femme. Quelle grâce chez celle-ci, quel charme dans tous ses traits, quelle douceur dans ce regard où brille la bonté d’une âme tendre et pure ! Une collerette bordée de guipure légère encadre délicieusement son noble visage, et deux mains de reine dessinent leur forme aristocratique sur le noir coloré de la robe. Aucune manière, aucune pose, des attitudes d’un naturel parfait; pas d’ornemens non plus : un fond d’architecture sévère, à peine un bout de ciel et un coin d’horizon d’un bleu verdâtre, et, avec cette simplicité toute nue, une impression de grandeur qui vous arrête et vous captive. Il faut un effort de l’esprit pour penser aux moyens de cette peinture, tant cet art semble facile, tant il montre d’abandon et de naturelle aisance. Ce n’est que par réflexion qu’on songe à admirer le doux éclat des chairs, la délicatesse des demi-teintes, la beauté des intonations, la justesse des rapports et du modelé, la sobriété des détails et leur parfaite subordination, le tact exquis de ce qu’il faut dire et de ce