Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/857

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cités en tête de son œuvre. Nous ne parlerons guère de ses compositions; malgré la beauté de quelques-unes d’entre elles, Van Dyck ne s’y soutient pas en face de son maître. Ce redoutable voisinage fait trop sentir ce qui lui manque de force et d’originalité. Sans doute il a ses qualités propres : la délicatesse, un choix plus scrupuleux des formes, un goût plus épuré. Mais si l’on ne remarque pas chez lui les exagérations qui rebutent parfois chez Rubens, il n’a pas non plus ses heureuses audaces ni son inépuisable fécondité. Il se répète souvent, et ses habitudes de composition sont un peu banales : il ne sait ni se renouveler lui-même ni renouveler un sujet. On serait injuste cependant si on méconnaissait des créations telles que le Sommeil de l’enfant Jésus ou cette Déposition de la croix, d’où s’exhale l’expression d’une douleur si pathétique. La puissante coloration des figures, le beau parti du fond, l’intonation hardie des têtes de chérubins qui s’enlèvent éclatantes sur le bleu savoureux du ciel, tout donne à cette dernière œuvre une touchante signification. Si Van Dyck avait, avec plus de suite et plus de décision, insisté sur le rôle qu’il attribue ici à la couleur, nul doute que par ce côté aussi il se fut montré un artiste vraiment supérieur.

Mais ce ne sont là, à tout prendre, que des œuvres d’ordre moyen et, à le considérer sous ce rapport, ce n’est pas seulement devant son maître qu’il s’efface, c’est devant lui-même. Comme portraitiste, au contraire, il est tout à fait au premier rang, et le musée de Munich suffirait pour consacrer la gloire qu’il s’est acquise sur ce point. Nous y trouvons d’abord une série de douze petites esquisses en grisaille (« en brunaille, » dit le catalogue) d’après des personnages célèbres de ce temps : la reine Marie de Médicis, la princesse Marguerite de Lorraine, Gustave Adolphe de Suède, le prince de Carignan, Tilly, Wallenstein, le duc de Neubourg, le comte de Nassau, l’abbé Scaglio, les peintres Palamèdes et Van Uden, suite doublement précieuse au point de vue de l’art et de l’histoire. Ces grisailles ne sont d’ailleurs pas des ébauches, ce sont des dessins définitifs auxquels il n’y a rien à ajouter et dont la destination explique le fini. D’après elles en effet, et dans des dimensions pareilles. Van Dyck lui-même et, sous ses yeux, Vostermann et d’autres artistes ont exécuté la collection bien connue de gravures dont le cabinet des estampes, au rez-de-chaussée de la Pinacothèque, nous offre des épreuves de choix à différens états. Dans ces simples frottis, peints comme des aquarelles avec un ton brun et rehaussés d’un peu de blanc, la science du dessin, le charme d’un faire élégant et facile se manifestent dans tout leur éclat. On voit avec quelle sûreté sont saisis tous les traits qui caractérisent une physionomie, avec quel art ils sont mis en relief.