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dans son plus vif éclat, soit une glorieuse succession de peintres, soit quelque génie exceptionnel. Tel est aussi l’intérêt du musée de Munich. C’est le nom de Rubens qu’il faut prononcer ici; c’est lui qui règne en maître, et nulle part ailleurs on ne saurait trouver une réunion aussi imposante de ses œuvres. Même après Anvers, il faut venir à la Pinacothèque pour apprendre ce qu’il est, et à ceux qui croient le mieux le connaître il réserve encore à Munich bien des surprises. Si haute que soit l’admiration qu’on professait pour lui, on doit avouer qu’on ne l’estimait pas tout ce qu’il vaut.

Il ne fallait rien moins que cette richesse et ces étonnemens pour nous décider à parler de Rubens dans la Revue, après les pages qu’il a inspirées à Fromentin[1]. Nous les avions lues et relues, ces pages exquises, heureux d’y trouver l’écho de nos pensées et la consécration de nos sentimens. Cette rare jouissance d’entendre parler dignement de ce qu’on aime, nous l’avions goûtée et dans sa plénitude. Nous étions bien loin de nous douter qu’une mort prématurée, en enlevant à l’art et aux lettres une des personnalités les plus sympathiques de notre temps, ajouterait encore un touchant intérêt à de si remarquables études. Jamais on n’était entré si avant dans ces délicates analyses, jamais ou ne les avait poursuivies avec un amour plus élevé de l’art et une connaissance plus intime de ses véritables conditions. Cet esprit si vif et si spontané était au courant de tout, et il rapportait tout à ce qui était la passion de sa vie. Sa sensibilité toujours en éveil était discrète à se montrer, et c’était en quelque sorte malgré lui qu’on surprenait, chez l’écrivain et chez le peintre, une âme ouverte à toutes les nobles aspirations, aussi désireuse de recueillement qu’avide de lumières et de beauté. y a des chemins où de longtemps on ne repassera plus que pour marcher dans ses pas, et si, après lui, on veut encore aborder l’étude des maîtres des Pays-Bas, ce sera pour le citer ou pour invoquer son témoignage. Pour nous, amené à retrouver ici dans l’art des Flandres et de la Hollande des hommes que Fromentin avait déjà appréciés, nous nous estimerons heureux si, avec cette abondance d’informations que fournit la Pinacothèque, il nous est donné, par l’étude d’autres œuvres, de confirmer le plus souvent ses jugemens et parfois aussi de les compléter sur quelques points.


I.

Quand on pénètre dans le salon central qui, au musée de Munich, est consacré à Rubens, on éprouve comme un éblouissement.

  1. Les Maîtres d’autrefois, dans la Revue de janvier, février et mars 1876.