Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/823

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’habitans que les vingt-deux cantons suisses. Dans la Russie d’Europe, la population moyenne d’une goubernie est de 1,300,000 ou 1,400,000 âmes[1].

Les gouvernemens russes, ceux des frontières au moins, étaient jadis réunis, par groupes de trois, quatre ou cinq, en gouvernemens généraux, qui embrassaient ainsi de vastes régions. Aujourd’hui ce mode de groupement n’existe plus qu’en Asie et dans les anciennes provinces polonaises divisées en trois groupes[2]. La Nouvelle-Russie, dont la capitale était Odessa, les trois provinces baltiques elles-mêmes, ont récemment perdu ce signe de distinction pour rentrer dans la masse des gouvernemens de l’empire. Cette simplification est une marque des progrès de la centralisation dans la voie de l’uniformité administrative. Les goubernies sont partagées en districts (ouiezdy) correspondant à nos arrondissemens. Chaque province compte d’ordinaire huit, dix, douze, parfois quinze districts, en sorte que, tout en restant notablement plus étendues que nos arrondissemens, les subdivisions de la province sont relativement moins grandes que les provinces mêmes. Une chose à noter, c’est que dans ces districts, encore plus vastes et même d’ordinaire plus peuplés que nos arrondissemens, le gouvernement central n’a point de représentant direct. En dépit de l’excès de la centralisation russe, il n’y a rien en Russie qui corresponde à nos sous-préfets. L’administration impériale n’est représentée dans les districts que par un simple employé de police (ispravnik). Il est vrai que le défaut de constitution politique n’y a pas encore fait sentir l’utilité d’une classe de fonctionnaires qui chez nous sont bien moins des administrateurs que des agens de propagande, ou des agens électoraux.

A la tête de chaque gouvernement est un gouverneur (goubernator). Ce fonctionnaire offre beaucoup d’analogie avec l’intendant de notre ancien régime, avec notre préfet d’aujourd’hui. Autrefois, le gouverneur concentrant en ses mains tous les pouvoirs, chaque province était une Russie sur une petite échelle et comme une réduction de l’empire autocratique dont elle reproduisait en petit l’organisation. Comme l’empire, la goubernie était régie par un pouvoir unique et pratiquement illimité. Le gouverneur, assisté d’un vice-gouverneur, avait bien à côté de lui un conseil de gouvernement, mais de même que le conseil de l’empire, ce conseil provincial n’avait

  1. Koursk a 2 millions d’habitans, Kief, Poltava, Tambof, Voronège, chacun près de 2,200,000.
  2. Le gouverneur de Moscou est appelé gouverneur-général, mais ce n’est là qu’un titre d’honneur accordé à la vieille capitale. Le gouverneur de Pétersbourg était naguère encore en possession du même titre.