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administratives dirigées contre l’enquête de la chambre des députés ? où était surtout la nécessité d’associer le sénat à des manifestations qui n’étaient point son affaire, qui ressemblaient plus ou moins à un acte d’hostilité contre l’autre assemblée ?

La retraite du ministère du 17 mai pouvait être honorable après la discussion de l’enquête, telle qu’elle s’était produite dans la chambre des députés ; elle semble avoir été calculée et combinée après coup, de façon à laisser le gouvernement lié, accablé sous le poids d’une politique, et à compromettre M. le président de la république lui-même comme le sénat dans un conflit envenimé. C’est là justement la faute, la dangereuse inspiration par laquelle le cabinet du 17 mai a clos une existence plus agitée que glorieuse. Évidemment ce n’est pas sans peine et sans beaucoup de négociations intimes qu’on est arrivé à organiser cette interpellation dont M. de Kerdrel a pris l’initiative et dont l’intention était trop apparente. M. de Kerdrel, à ce qu’il paraît, avait besoin d’être rassuré sur la portée de l’enquête ordonnée par la chambre des députés, sur l’opinion du gouvernement, et il a pris bien des précautions pour arracher à M. le duc de Broglie des déclarations que le chef du cabinet expirant était fort impatient de lui donner. M. de Kerdrel est probablement rassuré aujourd’hui, il a reçu les déclarations de M. le duc de Broglie, et il a inscrit sa satisfaction dans un ordre du jour savamment préparé d’avance par toute sorte de réunions, de conférences et d’entrevues plus ou moins diplomatiques. Pourrait-on bien cependant nous dire ce que signifie une interpellation demandant à un ministère qui va disparaître le secret de ses intentions et de ses instructions au sujet d’actes abusifs d’une autre assemblée qui ne se sont pas encore produits, qui n’auront peut-être pas même l’occasion de se produire ? Pourrait-on nous expliquer ce que veut dire sérieusement un ordre du jour prenant acte des déclarations d’un cabinet démissionnaire, protestant que le sénat est toujours conservateur et proclamant une fois de plus l’indépendance des trois pouvoirs ? Quand on parle, dans un langage assez nouveau et fort peu correct, des trois pouvoirs, la chambre des députés en est-elle ? Et si la chambre des députés est un de ces pouvoirs, pourquoi commencer par la mettre sur la sellette en incriminant par suspicion ce qu’elle pourra être tentée de faire ? De deux choses l’une : ou l’ordre du jour proposé par M. de Kerdrel et ses amis cache une pensée de défiance et d’hostilité à l’égard de l’autre assemblée, où il est complètement insignifiant, et il n’échappe à la qualification de « révolutionnaire au plus haut chef » qui lui a été infligée par M. Dufaure que pour retomber au rang des manifestations inutiles.

Au fond, il est assez clair que ce malheureux ordre du jour combattu avec toute la verve du bon sens, du patriotisme et de l’esprit par M. Du-