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l’exercer en conscience, et il n’est pas difficile de reconnaître dans la constitution prussienne du 31 janvier 1850 une charte octroyée par un roi respectable à un peuple respectueux, qui avait eu des égaremens en 1848, mais qui en est bien vite revenu.

Il est possible qu’on voie prochainement sur le trône de Prusse un souverain qui, renonçant à gouverner, se contentera de régner; mais on n’en est pas encore là, et sur ce point la verte vieillesse du roi Guillaume sera toujours intraitable, bien qu’elle s’accommode de beaucoup de choses et de beaucoup de gens qui lui déplaisent. Ce qu’on appelle le droit budgétaire du parlement prussien, das Budgetrecht, n’est qu’un droit limité. En vertu du célèbre article 109, dont les libéraux n’ont cessé de réclamer inutilement la suppression, le gouvernement est autorisé à continuer de percevoir tous les impôts une fois établis, et le consentement des chambres n’est nécessaire que pour en établir de nouveaux. C’est de cet article 109 que s’est prévalu M. de Bismarck dans le temps du conflit; la main posée sur le livre de la loi, il pouvait attester le ciel et les brouillards de la Prusse qu’en gouvernant sans budget régulièrement voté, il n’avait point fait violence à la constitution. Le droit constitutionnel officiellement professé à Berlin pose encore en principe qu’un roi n’est vraiment roi qu’à la condition d’être absolument maître du choix de ses ministres, et de pouvoir les honorer de sa confiance ou les renvoyer sans s’inquiéter s’ils agréent ou désagréent à la majorité de la chambre. Il en résulte que les ministres prussiens ne se sentent responsables qu’à l’égard du souverain; en ce qui concerne leur responsabilité à l’égard du parlement, ils se réservent te droit d’examen. A la vérité, le gouvernement prussien ne cherche pas les conflits ; mais pourquoi les craindrait-il? N’est-il pas assuré de les résoudre comme il l’entend? Il tient dans sa main gantée de fer des textes de loi et les cartes victorieuses qu’il a ramassées sur les champs de bataille.

« Le principe de la constitution prussienne touchant le choix des conseillers de la couronne, pouvait-on lire le 7 juin 1876 dans une feuille officieuse de Berlin, est toujours une vérité; pour le plus grand avantage de la patrie, il est resté debout et s’impose à tous les partis. Le régime parlementaire, c’est-à-dire la nécessité d’emprunter le ministère à la majorité de la chambre ou tout au moins de le choisir à son goût, a été caractérisé un jour comme un luxe que le peuple prussien ne peut pas encore s’accorder; les amis sincères de la monarchie sont convaincus que ce luxe serait pernicieux aux intérêts du pays, et on peut conclure de ce qui se passe que certaines doctrines constitutionnelles ne seront jamais appliquées à la Prusse. » Cependant, bien que certaines doctrines soient considérées par les feuilles officieuses comme des erreurs dangereuses et incompatibles avec le tempérament de la monarchie prussienne, il y a un parlement à Berlin, il y en a même deux, et partout où il y a des parlemens, le régime parlementaire existe en