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économiques qui ont été adoptées au-delà de la Manche depuis une vingtaine d’années, M. Gladstone, ne s’y est trompé. « Il est douteux, a-t-il dit dans un de ses discours au parlement, que le grand changement qui a eu lieu dans les cornlaws (l’abolition des lois sur les céréales) ait rendu le pain meilleur marché, mais il a créé un marché régulier des céréales pouvant s’élever à 1,500,000 livres sterling par an (on pourrait tripler la somme aujourd’hui); par là on a créé une demande correspondante des marchandises que produit la classe ouvrière. Le travail de celle-ci étant un élément essentiel de la production, c’est l’élévation du prix que le travail obtient, plus encore que la diminution de celui des céréales, qui produit leur bénéfice. C’est une erreur de supposer que le meilleur moyen de favoriser les classes ouvrières est d’agir sur les matières qu’elles consomment : il faut favoriser les articles qui peuvent leur donner plus de travail. » — Voilà le langage d’un homme d’état et d’un véritable économiste. Oui, il faut agir sur ce qui peut donner le plus de travail à la classe ouvrière, et ce ne serait pas arriver à ce résultat que de supprimer tout à coup les taxes de consommation pour aller en chercher ailleurs l’équivalent dans les taxes directes par exemple. La substitution aurait pour effet d’éloigner des capitaux, et de restreindre le travail.

D’ailleurs, nous croyons l’avoir prouvé, les taxes de consommation, en supposant qu’elles contribuent à l’augmentation du prix des choses, ne restent pas au compte des classes ouvrières. Celles-ci trouvent moyen de s’en décharger par la répercussion. Sans doute il vaudrait mieux qu’il n’y eût pas autant d’impôts, qu’on n’en payât que pour satisfaire aux dépenses essentielles de l’état. Il serait mieux surtout qu’on n’eût point à prélever chaque année presque la moitié de notre budget, plus de 1,200 millions, pour faire face aux charges du passé, pour acquitter les intérêts d’une dette plus ou moins utilement contractée. Si nous avions 1,200 millions de moins à payer par an, on pourrait diminuer beaucoup les impôts, et il en résulterait plus d’élasticité pour la richesse publique. On peut même dire qu’aujourd’hui, avec la concurrence commerciale qui existe dans le monde et le peu de latitude qu’il y a entre le prix de revient et le prix de vente, la suprématie appartiendra de plus en plus à celui qui, avec le meilleur outillage et la plus grande puissance de capitaux, aura le moins d’impôts. Avoir beaucoup d’impôts, c’est se mettre dans une condition d’infériorité vis-à-vis des autres nations par rapport au commerce; il faut donc travailler à les réduire le plus possible. Mais tant qu’on en a besoin au chiffre où ils sont, il faut les prendre là où ils rapportent le plus et avec le moins de dommage pour la richesse publique.

L’Académie des sciences morales, si je ne me trompe, a récompensé