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de 17 kilogrammes par tête. À côté de cela, si on veut examiner les taxes de luxe, on est frappé du peu qu’elles donnent et de l’état pour ainsi dire stationnaire dans lequel elles restent. L’impôt des voitures, porté au budget de 1875 pour près de 9 millions, l’est à celui de 1877 pour 10. L’impôt des billards, qui a produit 950,000 francs en 1874, figure en 1877 pour 970,000 ; celui des cercles monte en trois ans de 1,300,000 à 1,370,000, etc. Un progrès aussi insignifiant atteste bien que ces impôts sont mauvais, car le propre d’une bonne taxe est de se développer avec la richesse publique. Il en est de même d’autres impôts qui, sans être tout à fait de luxe, n’atteignent que des objets d’une consommation restreinte, comme les droits sur le savon, la chicorée, les huiles, etc. Le premier donne 5,700,000, le deuxième 5,100,000, le troisième 5,800,000 francs, et pourtant ils ne laissent pas d’être assez onéreux pour ceux qui les paient. On a calculé que le droit sur la chicorée coûtait dans le nord 25 fr. 40 c. par famille. On parle de le supprimer, la proposition en a même déjà été faite par un ancien ministre des finances, l’honorable M. Léon Say ; on aura raison d’y donner suite, car il ne faut pas embarrasser le budget de vétilles. L’habileté et la sagesse du législateur consistent à choisir en fait d’impôts ceux qui, ayant une large base, rapportent le plus tout en restant très modérés. Il n’y a que les impôts sur les objets de première nécessité qui soient dans ce cas.

On a beaucoup plaisanté sur un autre avantage que présentent ces impôts, à savoir de se payer aisément et sans qu’on s’en aperçoive. On a dit notamment qu’il n’était pas digne d’un peuple libre de payer des taxes sans s’en apercevoir : il vaut mieux qu’on les sente, car alors on est plus économe des deniers publics, mieux disposé à en surveiller l’emploi. Ce raisonnement pourrait être bon, si les impôts directs, qu’on voudrait substituer à ceux de consommation, pesaient également sur tout le monde ; mais comme c’est le contraire qui a lieu, que beaucoup de personnes sont exemptes des premiers, par l’excellente raison qu’elles ne possèdent rien ou presque rien de l’actif disponible sur lequel s’acquittent les taxes directes, et que d’autre part ces mêmes personnes, qui sont les plus nombreuses, sont investies de droits politiques, il s’ensuivrait que la plupart de ceux qui auraient à surveiller l’emploi des deniers de l’état n’en fourniraient aucune partie. Dans ces conditions, il est peu probable qu’ils en seraient très économes, et il l’est davantage qu’ils seraient portés à les dépenser largement pour favoriser ce qu’ils croiraient être les intérêts de la démocratie. Avec l’impôt indirect, tout le monde au moins est intéressé à ce que les deniers publics soient ménagés parce que tout le monde y contribue. La substitution qu’on propose n’aurait d’autre effet que d’être un