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deviendraient dans le pays les droits sur les sucres, le tabac, les eaux-de-vie, le vin, la bière, s’il n’y avait pas de douanes pour les protéger? et les frais de douane sont les plus chers. On reproche enfin aux impôts indirects de prendre quelquefois le caractère vexatoire, d’entraîner des visites domiciliaires et d’occasionner des pertes de temps. Le caractère vexatoire de ces taxes disparaît de jour en jour avec le progrès de la civilisation et les tempéramens que l’administration sait apporter dans l’exercice de ses droits ; les visites domiciliaires sont de plus en plus rares. Quant à la perte de temps provenant de l’inspection à la frontière et aux portes des villes, elle n’existe presque plus. On se contente généralement d’une simple déclaration, et, quand la visite a lieu, elle se fait à l’arrivée, soit à l’entrepôt, souvent même au domicile de la personne qui reçoit la marchandise; le temps qu’on y consacre alors ne peut être considéré comme une perte de valeur. La perte est assurément moindre que celle qui résulte du dérangement que cause au contribuable le paiement de l’impôt direct, qu’on ne vient pas chercher à domicile, qu’il faut aller porter au percepteur à certains jours, à certaines heures, et souvent très loin.

Enfin on a prétendu que ces taxes étaient un obstacle à la liberté absolue du commerce, en ce sens que certaines marchandises ne peuvent pas se mouvoir sans passer sous les yeux du fisc; s’il s’agit d’une denrée produite à l’intérieur et soumise à un droit, il faudra la déclarer au percepteur avant de la livrer à la consommation : c’est une gêne. Nous avons déjà répondu autrefois à cette objection[1]. « Quelle est dans la société, disions-nous, la liberté qui soit absolue et qui n’éprouve pas de restriction? Il n’y en a aucune. du moment que nous nous réunissons pour nous procurer les avantages qui résultent de l’association, il y a des règlemens auxquels nous sommes tenus d’obéir : ces règlemens sont des entraves à la liberté absolue ; mais ces entraves sont établies au nom d’un intérêt supérieur qui est le salut de la société. Il en est de même des lois fiscales. Le gouvernement a besoin d’argent pour remplir sa mission ; on a jugé qu’un des moyens les plus efficaces de lui en procurer était d’établir des droits sur certaines marchandises produites à l’intérieur ou venant du dehors; ces marchandises ne pourront donc circuler qu’après avoir acquitté ces droits. Pourquoi n’accepterait-on pas cette restriction comme les autres, surtout si dans la pratique elle est aussi légère que possible? »

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1873.