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comptant comme une révolution cette prise du pouvoir par Napoléon), se trouve arrivée à ce point où toute constitution est balayée, — et se prépare à donner l’exemple pratique de ce contrat primordial entre le peuple et le chef, lequel était regardé généralement jusqu’ici comme le type imaginaire d’une doctrine de fantaisie. À vous sincèrement.

« PALMERSTON. »


On voit ici par un exemple unique et la désinvolture morale et la sophistique parlementaire de lord Palmerston. Le sans-façon de la forme répond au sans-façon de la pensée. Quel singulier emploi de ce mot Burgraves emprunté aux polémiques vulgaires ! Quel rapprochement inattendu entre Marrast et Tocqueville ! Surtout quelle verve de dédain pour la France dans cette approbation donnée au président ! Mais ce n’est pas le tragique événement du 2 décembre qui nous occupe. Laissons Palmerston apprécier à sa façon les affaires et les destinées de la France, il ne s’agit pour nous que des rapports du hardi ministre avec la couronne d’Angleterre. Lord Palmerston a-t-il tenu compte du mémorandum si nettement commenté par le prince Albert ? s’est-il mis en règle et avec la reine et avec le premier ministre ? C’est là pour nous tout le sujet.

Le jour même où lord Palmerston adressait à lord Normanby les déclarations que nous venons de traduire, le 3 décembre 1851, lord Normanby écrivait officiellement à son chef pour lui demander ses instructions. Quelle devait être à Paris l’attitude du représentant de la reine ? Quel langage devait-il tenir ? Lord Palmerston, qui parlait tout à l’heure si volontiers, qui prenait les devans, qui ouvrait son cœur, qui faisait des dissertations, des confidences, des remontrances, Palmerston devient tout à coup aussi bref, aussi sec, aussi boutonné qu’une dépêche télégraphique. Il a demandé au conseil, il a demandé à la reine les instructions que réclame lord Normanby. Les voici dans toute leur sévérité laconique. Pas un indice de blâme, pas une marque d’approbation. Rien de plus correct, mais aussi rien de plus opposé à ce que lord Palmerston écrivait l’avant-veille :


« Foreign office, 5 décembre 1851.

« Mylord, j’ai reçu et mis sous les yeux de la reine la dépêche de votre excellence en date du 3 courant, par laquelle vous demandez des instructions pour la conduite que vous devez tenir dans l’état présent des affaires de France.

« Sa majesté m’a donné l’ordre de vous commander de ne rien changer à vos relations avec le gouvernement français.

« C’est le désir de sa majesté que son ambassadeur à Paris ne fasse rien qui ait l’apparence d’une intervention quelconque dans les affaires intérieures de la France. Je suis, etc. PALMERSTON. »