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prête à faire toutes les concessions, eu égard à l’urgence des affaires et au manque de temps, et elle était bien assurée que lord Palmerston désavouait toute intention de manquer à ce qu’il lui doit, mais elle sentait que les choses ne pouvaient continuer plus longtemps sur ce pied. Très souvent, j’étais fâché de le dire, et presque toujours dans les derniers temps, la reine avait désapprouvé la ligne politique suivie par lord Palmerston. Elle avait toujours fait franchement ses objections, mais, quand l’opinion contraire à la sienne avait prévalu dans le cabinet, ou bien quand elle s’était convaincue qu’il serait plus sage, plus politique de ne pas insister sur ces objections, elle connaissait trop bien son devoir constitutionnel pour ne pas donner son entier appui à tous les actes du gouvernement. Elle savait qu’ils allaient ensemble à la bataille, qu’elle recevrait les coups destinés au gouvernement, et dans ces dernières années elle en avait reçu plusieurs comme jamais souverain d’Angleterre n’avait été contraint d’en supporter, et ces incidens lui ont été extrêmement pénibles. Mais ce qu’elle avait droit de demander en retour, c’est qu’avant de voir une ligne politique adoptée ou soumise à sa sanction, elle fût mise en pleine possession de tous les faits et de tous les motifs qui avaient décidé le ministère. Sa majesté sentait que sur ce point elle n’avait pas été traitée comme elle devait l’être. Jamais elle n’avait trouvé une matière intacte, jamais on ne lui avait soumis une question dans laquelle nous ne fussions déjà engagés. Elle n’avait aucun moyen d’apprendre ce qui s’était passé dans le ministère, ce qui avait eu lieu dans les conférences de lord Palmerston avec les ministres étrangers ; elle n’en savait que ce que lord Palmerston voulait bien lui en dire ou ce qu’elle trouvait dans les journaux. — Ici lord Palmerston m’interrompit, disant que ces conférences duraient bien quatre heures par jour et qu’il lui en faudrait tout autant pour les consigner dans un rapport ; que lui resterait-il alors pour les affaires de sa charge à la chambre des communes ? Les documens, où apparaissaient les résultats de ces conférences, étaient adressés à la reine ; c’étaient les minutes des dépêches.

« Je répondis que la reine ne songeait point à demander des détails qui étaient l’affaire du ministre ; mais quand on établissait des principes, elle devait en être informée, et cela pouvait se faire en peu de mots. Maintenant elle perdait beaucoup de temps à discuter le texte de ces dépêches avec lord John et lord Palmerston, ce qui était sans aucun profit ; mais, dans l’absence de toute explication au sujet des faits qui avaient occupé le ministère ou des motifs qui avaient dicté ses décisions, elle était obligée au moins de veiller de près sur la rédaction des dépêches. Les mots ont plus ou moins de valeur selon le sens qu’on a l’intention d’exprimer.

« Lord Palmerston répondit qu’il sentait toute la force de cette objeclion, mais que ce retard était une conséquence de l’arrangement pris