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prévenir un conflit européen ; si la chambre des communes condamnait aussi Palmerston, les whigs étaient renversés du pouvoir. On a déjà vu dans notre précédente étude avec quelle hauteur d’idées sir Robert Peel, tout en infligeant le blâme le plus sévère aux procédés diplomatiques de lord Palmerston, contribua au maintien du ministère ; ce fut le dernier discours du grand homme d’état. Ce qu’il faut ajouter ici pour le sujet qui nous occupe, c’est que Palmerston, attaqué avec véhémence par M. Gladstone, criblé de sarcasmes par M. Disraeli, condamné et ménagé par sir Robert Peel, déploya dans sa défense une supériorité de talent qui força tous les hommages. Comment donc le fougueux ministre, au lendemain d’une telle victoire, n’aurait-il pas négligé les recommandations de la reine ? Il avait repoussé des attaques bien autrement redoutables que celles du prince Albert ; absous par la chambre des communes, il se croyait tout à fait maître en son domaine, et désormais ne se gênait plus.

C’est alors que la reine, poussée à bout, reprit ce mémorandum dressé par son ordre au mois de mars. Elle l’avait ajourné dans l’espoir qu’elle pourrait le supprimer tout à fait ; la situation devenant intolérable, lord John Russell fut chargé de le mettre sous les yeux de lord Palmerston. Le ministre y lut ces mots :


Osborne, 12 août 1850.

« La conversation que la reine a eue l’autre jour avec lord John Russell au sujet de lord Palmerston et la déclaration de lord Palmerston que jamais il n’avait eu l’intention de manquer de respect à la reine par les négligences diverses dont elle a eu si souvent à se plaindre ont décidé la reine, pour éviter toute méprise à l’avenir, à exposer ce qu’elle attend du ministre des affaires étrangères.

« Elle demande :

« 1o Que le ministre établisse clairement ce qu’il propose dans un cas donné, afin que la reine sache clairement aussi à quelles mesures elle accorde sa sanction royale.

« 2o Que, sa sanction une fois donnée à une mesure, cette mesure ne soit pas arbitrairement altérée ou modifiée par le ministre. Elle serait obligée de considérer un pareil acte comme un manque de sincérité envers la couronne, et son devoir serait d’exercer son droit constitutionnel en destituant le ministre.

« 3o Elle attend que le ministre la tienne au courant de ce qui se passe entre lui et les ministres étrangers, avant qu’il soit pris d’importantes décisions par suite de cette correspondance. Elle demande que les dépêches étrangères lui soient communiquées en temps utile et que les pièces soumises à son approbation lui soient envoyées de telle façon qu’elle