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réponse en quelques minutes comme cela se pratiquait souvent[1]. Lord Palmerston devait s’arranger de manière à réserver douze ou vingt-quatre heures pour que les dépêches fussent soumises au premier ministre et portées ensuite à la connaissance de la reine. Il y avait certainement bien peu de cas dans lesquels un délai si court pourrait nuire aux affaires. Lord John approuva ces idées et les transmit à lord Palmerston dans une lettre (21 juin 1849) où se trouvent ces paroles : « J’entre complètement dans les vues de sa majesté ; je pense que les instructions adressées à nos représentans auprès des diverses puissances doivent être mûrement pesées, car c’est par ce moyen, et non par un autre, que la reine et le gouvernement parlent aux nations étrangères. »

Voilà les principes clairement rappelée avec les raisons qui les justifient : ce n’est pas le chef du foreign office tout seul, si éminent qu’il soit et quelque confiance qu’il inspire à la majorité du parlement, ce n’est pas lord Palmerston tout seul qui s’adresse aux puissances par la voix des ambassadeurs et des chargés d’affaires, c’est la reine et le gouvernement ; il faut donc que la reine et le gouvernement aient le temps d’apprécier la rédaction des dépêches.

Lord Palmerston n’était pas homme à contester des vérités si évidentes, il accueillit comme il le devait les instructions du premier ministre et promit de s’y conformer. Malheureusement l’habitude prise était bien forte ; peu à peu, sans idée de résistance peut-être et par le seul élan de son ardente nature, lord Palmerston revint de temps en temps à ses pratiques accoutumées. Pendant la seconde moitié de l’année 1849, pendant les premiers mois de 1850, la reine eut plus d’une occasion de s’en plaindre. Attentif aux parties engagées sur l’échiquier du continent, lord Palmerston, comme un joueur que la passion enfièvre, oubliait les recommandations de Windsor. Tantôt une rédaction approuvée par la reine était modifiée sans plus de façon au foreign office, tantôt on ne tenait nul compte des modifications convenues, et, sous prétexte d’urgence, les dépêches étaient expédiées sans délai. Ces dérogations à la règle se renouvelèrent si souvent qu’au mois de mars 1850 la reine se vit obligée d’écrire un mémorandum adressé à lord Palmerston pour le rappeler d’une manière expresse à l’observation des convenances.

La reine pensa toutefois qu’avant d’envoyer ce mémorandum, il y avait lieu de tenter encore un procédé moins vif et de faire avertir une dernière fois par lord John Russell le ministre oublieux ou

  1. Her majesty would only require « that she should not be pressée ! for an answer within a few minutes, as is now done sometimes. » — Théodore Martin, the Life of the prince consort, t. II, p. 302-303.