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toutes les passions aux prises. Il pouvait être imprudent, de même que dans un autre sens le mot prononcé par le garde des sceaux un mois auparavant sur la convention avait été appelé malheureux. Est-ce à dire que ce jamais fût le cri de la colère, d’une politique sans pitié ? Il n’avait nullement cette signification, pas plus que le mot sur la convention n’avait été une apologie de la terrible assemblée, et la preuve c’est qu’au même instant le gouvernement autorisait quelques-uns de ces régicides à résider en France, en même temps qu’il rappelait d’autres exilés parmi lesquels se trouvaient le maréchal Soult, le général Pire, M. Real. Le cri de De Serre n’avait été qu’une revendication de la dignité royale répondant à une injonction d’amnistie.

Rien n’était changé, — on pouvait du moins le croire, — et le lendemain comme la veille, le garde des sceaux restait le ministre à l’esprit résolu qui traçait comme un programme de libéralisme à la restauration en disant à ceux qui lui reprochaient de trop innover, d’aller trop vite : « On crie à l’innovation ! Quelle innovation plus grande parmi nous que l’introduction d’un gouvernement libre et constitutionnel ! Où sont les hommes qui auraient assez peu réfléchi pour croire qu’une nouveauté pareille ne dut en amener une autre, pour penser que le système impérial avec toutes ses lois pût se conserver dans son intégrité et devenir l’appui de la liberté, le support naturel de cette monarchie protectrice de la liberté ?.. Lorsque votre gouvernement, après de longues méditations, cherche à établir par degrés l’harmonie entre les anciennes et les nouvelles institutions, ce gouvernement serait accusé d’être novateur !.. Non, c’est graduellement, c’est avec maturité qu’il vous propose, des changemens aux institutions existantes. Et songez que de tous les dangers dont on voudrait vous inspirer la crainte, un des plus grands, sans contredit, serait de vouloir s’arrêter au milieu de la route, de vouloir conserver des institutions incohérentes, de sorte que l’esprit constitutionnel animât les unes et que l’esprit du pouvoir absolu respirât dans les autres… » Si on avait le temps d’y songer, ces paroles n’auraient-elles pas leur application encore aujourd’hui après la chute d’un second empire, après une autre période de désuétude pour les idées et les institutions libres ?


III.

Assurément cette politique modérée de 1819 qui avait perdu son chef en M. de Richelieu, qui avait retrouvé en De Serre ministre un généreux athlète, cette politique n’avait pas été stérile. Elle avait assez fait en trois ans de règne pour être jugée à ses fruits et