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de ses institutions, la pleine sécurité de nos droits, de nos intérêts et de nos libertés. Aimons ainsi la charte, fondons sur elle le trône dont elle est descendue; que la France entière, à notre exemple, se pénètre de son esprit, et nous ne craindrons ni les soldats impies, ni les insolentes paroles dont on nous a menacés... Non, et vous le savez bien, le gouvernement ne sème la division nulle part, ni dans la garde ni dans l’armée; mais il maintient, il maintiendra dans l’une comme dans l’autre le respect des lois, la sévérité de la discipline... Non, et vous le savez bien encore, le ministère ne favorise pas l’agiotage ; mais il oserait peut-être penser que, lorsqu’on a vu, après bien des craintes, dans quelles mains venait se reposer le pouvoir, la confiance publique s’est ranimée... Vous le savez bien aussi, le ministère ne cherche point à troubler la nation. Vous ne pouvez lui imputer tous les actes arbitraires, les atteintes à la liberté individuelle ou à d’autres libertés, dont vous réveillez avec tant d’imprudence le souvenir. Sa première sollicitude, c’est de réparer promptement les maux causés par une trop funeste influence, maux trop souvent irréparables! Voilà les difficultés contre lesquelles il lui faut lutter. Je ne crains pas de le dire, personne ne redoute plus que lui les attentats à la liberté publique... »


Tout portait coup dans ce langage si nouveau. Ces allusions vengeresses à 1815, cette loyauté de libéralisme, trouvaient un écho dans les tribunes, qui éclataient en applaudissemens. De Serre avait enlevé la victoire et pris position pour le ministère dès le premier pas.

L’autre incident, qui pour un début n’était pas une épreuve moins sérieuse, venait de la chambre des pairs et d’une motion faite par un homme grave, respecté, M. Barthélémy, l’ancien membre du directoire, l’ancien proscrit du 18 fructidor. M. Barthélémy avait proposé une « adresse au roi » pour provoquer « dans l’organisation des collèges électoraux les modifications dont la nécessité pourrait paraître indispensable. » Le drapeau qu’on avait cru un moment abattu se relevait. La pensée d’une réforme de la loi des élections avait survécu à M. de Richelieu, et allait se retrancher au Luxembourg comme dans une forteresse. La proposition de M. Barthélémy avait pour elle la majorité des pairs, la droite de l’autre assemblée, la faveur et les excitations de la petite cour agitée et agitatrice du comte d’Artois; elle avait contre elle l’opinion, le roi lui-même, le cabinet, les modérés du parlement. La chambre des pairs voulait que la loi des élections fût modifiée, la chambre des députés voulait que la loi restât intacte, — et le ministère était né pour la maintenir. Le drame s’engageait vivement. « Les partis sont en présence, écrivait un matin De Serre à M. Decazes, et dans cette position tout mouvement qui sort du plan de campagne général est